L’Affaire Jacques Chirac : L’Épilogue, une nouvelle ère.

Écrit par Bernard Brault le 19/12/2011


Les leçons de 2011, l’Éthique et la Gouvernance

Voici déjà la fin de l’année. La dinde, les atacas seront peut-être remplacés ou  accompagnés de nouvelles inspirations culinaires. S’ouvrir à de nouvelles saveurs, et accepter de nouvelles expériences organoleptiques seront, je vous le souhaite, à l’honneur sur vos tables des fêtes. Ce sera un bon moment pour se réjouir et qui sait, ajouter un peu d’optimisme en regardant le chemin parcouru en ce qui a trait à l’impunité et à l’immunité de la gouvernance. Un bon moment aussi pour ressortir vos vieux albums.  Pardon, vous avez dit … ?

Une nouvelle ère pour un personnage bien connu.

Hergé était sans doute un précurseur et un grand pédagogue. Mais il a suscité auprès de millions de jeunes lecteurs au cours des trois dernières générations les fondements d’une fibre morale, celle dont on a besoin pour combattre l’injustice, l’abus de pouvoir, le conflit d’intérêt et le narcissisme acrimonieux.

Il aura aussi démontré par les grandes aventures de son héro, le triomphe de la transparence, la persévérance du journalisme d’enquête, et la puissance de l’opinion publique. Il aura su nous inculquer finalement le courage du combat contre les apparences trompeuses, l’aplaventrisme de fonctionnaires fatigués et  l’imprévisible adversité.

Hergé peut encore nous rappeler que malgré Monsieur Jean de Lafontaine, la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure !

L’affaire Jacques Chirac

En 2010, j’ai signé deux articles sur l’affaire Jacques Chirac. Les faits rapportés à cette époque démontraient clairement des dérogations aux principes de Saine Gestion, en particulier aux principes qui rappellent cette obligation de Transparence et d’Abnégation du leader. J’exprimais ma désolation « quant au contexte traditionnel du leadership qui faisait en sorte que la reddition de comptes n’était pas dans la pratique des leaders. Le management rendait compte, (NDA sans toute la transparence requise) mais le leader, ne se considérant pas un manager, n’avait pas de compte à rendre.

Devant les faits rapportés, et surtout selon mes consultations auprès d’amis français me faisaient conclure que les politiciens français étaient comme les politiciens canadiens ou québécois : intouchables sur le plan de leurs responsabilités managériales. Je conclus alors mon second article sur l’Affaire Chirac par trois constats pragmatiques :

1) Le véritable intimé dans la présente affaire est le financement des partis politiques. Parce que c’est de cela qu’il s’agit. L’argent est le nerf de la guerre, et notre fragile démocratie n’y échappe pas.

2) Le second responsable dans cette affaire est l’idée que l’on se fait du  leadership : L’immunité managériale. C’est ce que pendant quelques décennies certains penseurs de management ont tenté de nous faire croire par « Le leader fait les bonnes choses, le gestionnaire fait les choses bien ».

3) Le troisième responsable dans cette affaire est la tolérance endémique dans nos sociétés modernes devant une gestion flasque, molasse et trop gentille, de la part des leaders jusqu’aux bureaucrates. Il n’y a pas que les contrôles et les résultats comptables, il y a des actes administratifs, des décisions qui doivent être évalués. Une gestion sans véritable reddition de comptes sur le plan des décisions administratives ouvre la porte à toutes les malversations possibles. Où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie !

Protection du leader contre la « Transparence » !

Ce que je n’avais pas exprimé sur cette affaire relève de cette sorte d’omerta protectionniste du leader. Ce qui fait dire aux détracteurs du principe de transparence que ce principe peut nuire aux réalisations grandioses des leaders ! Oui, vous avez bien compris ! Le leader ne demande ni n’ordonne rien sur certains actes administratifs ou de financement. Les vassaux savent et connaissent ce qu’ils doivent faire. Ils couvrent leurs chefs. Ils prennent les coups, seront condamnés et peut-être remerciés par leur seigneur. C’est féodal ! Pire, c’est mafieux ! Le parrain, lui, n’a jamais à ordonner un meurtre. Les bras exécutent sans tête. Sur les plans managérial et politique, nous acceptons ça. Vous comprenez pourquoi une obligation de transparence entre le mandataire et le mandant dérange. Le leader devient responsable de tous les actes de ses vassaux. Combien de gestionnaires m’ont déjà rapporté leur inconfort devant leur obligation de protéger le leader !

Jacques Chirac est condamné ! 

Le Devoir du 16 décembre 2011 sous la plume de Christian Rioux  nous apprend la condamnation de l’ex-maire de Paris et président de la République de 1995 à    2007  —  « Il était de notoriété publique que Jacques Chirac avait utilisé la mairie de Paris comme quartier général pour conquérir la présidence en 1995. Près de deux décennies plus tard, la preuve vient d’en être faite alors que l’ancien président a été condamné hier par le tribunal correctionnel de Paris. C’est au terme d’une véritable saga judiciaire que l’ancien maire de Paris, qui a aujourd’hui 79 ans, a finalement été condamné à deux ans de prison avec sursis pour avoir détourné des fonds de la mairie pour des emplois fictifs. Une première dans l’histoire de la Ve République. »

Le déshonneur avec sursis

C’est peu, pas trop inconfortable à 79 ans, mais c’est un début. La responsabilité managériale est enfin associée au leader. Mais il y a encore une gêne profonde devant la condamnation des leaders aux grandes pointures. L’establishment politique et judiciaire aura tout tenté pour éviter une condamnation.  Le Devoir du 16 décembre précise « Ce jugement met un point final à une saga judiciaire de plus de 15 ans qui a gangrené les deux mandats de Jacques Chirac. En 2004, son ancien bras droit, Alain Juppé, a été condamné à 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité pour les mêmes accusations que le président avait qualifiées « d’abracadabrantesques ». Soucieux d’éviter à tout prix une condamnation, le président avait conclu une entente à l’amiable avec la mairie de Paris, qui ne s’était pas portée partie civile en échange d’une indemnité assumée en partie par l’ancien parti de Jacques Chirac. Malgré cette reconnaissance tacite, l’ancien président continuait d’affirmer « n’avoir commis aucune faute pénale ou morale ». Au printemps dernier, ses avocats avaient invoqué une obscure question constitutionnelle pour retarder le procès. Lors des plaidoiries, le parquet avait requis la relaxe. La sentence est donc considérée en France comme un désaveu du ministère public »


L’année 2011 : déboulonner un par un les paradigmes managériaux

Partout sur la planète, l’éthique dépassée d’une gouvernance condescendante s’est vue déboulonnée mensonge par mensonge.  Des dictateurs installés dans une orgie de privilèges depuis des décennies notamment en Égypte, en Lybie se sont vu montrer la porte avec fracas. Mais ce sont aussi les pays démocratiques qui auront commencé à faire craquer l’immunité des intouchables. La crise financière mondiale dont l’épicentre s’est déplacé en 2011 versla zone Euro aura eu raison des leaders de deux pays surendettés : la Grèce et l’Italie. Leur faute sera d’avoir toléré un système de privilèges que l’establishment financier n’était pas prêt de laisser aller. L’indignation monte ! Les indignés s’installent dans plusieurs capitales de pays démocratiques.

Détournement de fonds publics, abus de confiance et conflits d’intérêts seront scrutés à la loupe désormais par les citoyens, qui toléreront de moins en mois ce « détournement » de leur confiance. L’intégrité atteindra, nous le souhaitons, un niveau de complétude proportionnelle à son sens profond : L’honnêteté sans réserve.

L’honnêteté passe d’abord par la Transparence. Qualité de ce qui laisse paraître la réalité tout entière, sans qu’elle ne soit altérée ou biaisée (1). C’est une question fondamentale, cacher de l’information ou des faits cruciaux aux mandants ou aux commettants, c’est-à-dire à nous, électeurs, et qui nous feraient prendre une tout autre décision si nous avions été correctement informés, est un  « viol » collectif de notre dignité et de notre intelligence.

Combattre pour la justice, contre l’infamie !

Jeunes, nous étions des millions à nous identifier à ce personnage mythique qui avait un petit chien blanc et ou aux personnages qui l’accompagnaient dans ses aventures. De quel coté nous situons-nous maintenant, des bons ou des méchants ?

Quelques bons albums à lire pendant le temps des fêtes ?

 

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(1)   PSGGR, par 2.2 (1)


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