MMA : La Transparence, la première ligne de défense contre le laxisme de la gouvernance

Écrit par Bernard Brault le 22/07/2013

La Transparence est l’un des 6 principes fondamentaux de Saine Gestion. Ce principe est lié aux 5 autres principes de Saine Gestion soit: Continuité, Efficience, Équilibre, Équité et Abnégation tels que définis par l’OAAQ et L’ISG. L’Organisme international Transparency Internationale croit aussi que la transparence est l’outil de première ligne pour lutter contre l’obscurantisme managérial et la corruption. note (1)

L’Amérique, liberté du commerce.

Maine Montréal Atlantic avait déjà une feuille de route peu reluisante : Infractions diverses, équipement vétuste, déclarations douanières incomplètes. Une petite société de transport ferroviaire, parmi d’autres, qui doit survivre dans un monde ultra compétitif, à l’heure des coupures budgétaires gouvernementaux et de la rationalisation des processus d’affaires, les gestionnaires exploitent le bricolage administratif comme beaucoup d’autres sociétés commerciales. Ils doivent répondre à une priorité absolue pour survivre et avoir des contrats, satisfaire les actionnaires et les banquiers. Les firmes de constructions et d’ingénierie ont curieusement eu le même discours à la ville de Laval. La fin justifie-t-elle les moyens ?

Jouer au casino avec la vie des autres !

Mais, MMA transportait des bombes, jour après jour. Il aura fallu une catastrophe pour que l’on s’en préoccupe. Cinquante personnes y ont laissé leurs vies, sans même être les employés de cette société MMA. De simples citoyens qui auraient dû être en sécurité dans leur ville. Lac Mégantic s’inscrit désormais dans le lexique des conséquences au laxisme managérial, à l’obscurantisme économique et à cette attitude de la gouvernance devenue chronique : l’aveuglément volontaire.

Double problématique

Hypocrisie et omerta. La bombe était du pétrole, cet infâme liquide qui est transporté pour assouvir l’insatiable soif des automobilistes. Un petit pas de plus, et on nous faisait croire que nous sommes tous collectivement responsables parce que l’on ne prend pas nos bicyclettes pour aller au travail. Les grands enjeux des ressources énergétiques sont sous une loi du silence. Les enjeux économiques mondiaux sont colossaux, la souveraineté des pays modernes et la qualité de vie des citoyens sont directement reliées à l’énergie. Mais la gouvernance joue-t-elle au casino en prenant des décisions qui nous mettent à risque, nous simples quidam ?

Concernant la question du freinage de sécurité, selon le Devoir du 20 juillet,  L’industrie et le ministère fédéral des Transports avaient été alertés, mais selon le BST, (NDA Bureau de la sécurité du transport)  les règles sont restées trop vagues. Par exemple, le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada stipule simplement qu’il faut qu’il y ait « un nombre suffisant » de freins, (…)

Le BST avait déjà officiellement demandé à Transports Canada (TC) de resserrer sa réglementation sur les freins. Toujours selon le Devoir, (…) En 1996-1997, on avait donné une recommandation », a expliqué vendredi Ed Belkaloul. L’organisme était intervenu à la suite d’un accident de train au nord de Sept-Îles. Dans son enquête, il avait relevé que la force de freinage appliquée sur les trains était trop laissée à l’arbitraire.

Les coupables vont payer !

Trop peu et trop tard, les victimes sont mortes. À l’heure où l’on découvre l’envergure de la collusion, de la corruption dans nos administrations publiques et dans les grandes entreprises à capitalisation boursière, on peut s’interroger sérieusement si la gouvernance a vraiment intérêt à faire changer les choses ?

Soit ! On modifiera les lois pour les rendre encore plus contraignantes, plus de règlements pour le transport du pétrole, plus de procédures mais parions qu’il y aura omission de véritable règle de reddition de compte et d’imputabilité des actes administratifs posés. Il y aura seulement plus de travail pour les juristes qui apprendront à contourner ces nouvelles règles au nom de la liberté des affaires de leur client.

Les détracteurs du principe de Transparence sont nombreux, efficaces et subtils.

Dans ces lois, on oubliera par conséquent d’y introduire une exigence de transparence. Les détracteurs de cette Transparence, tel que décrits dans les PSGGR, sont nombreux, efficaces et subtils. Nous avons entendu toutes sortes d’arguments, souvent par des organismes sérieux et des sociétés vénérables. Pour n’en citer que quelques-uns :

  • La transparence ne serait pas souhaitable parce qu’elle contrevient aux droits fondamentaux en matière de concurrence commerciale et de protection de la vie privée. Une transparence sélective et volontaire serait plus appropriée.

Cependant dans le cas de MMA, le dévoilement obligatoire par la direction de l’entreprise de l’état des rails et du matériel roulant, du nombre d’employés formant les équipages, des règles de sécurité interne incluant l’utilisation des trains, le dévoilement des marchandises transportées aurait peut-être sauvé 50 vies.

  • Concernant la transparence interne et l’aveuglément volontaire, un gestionnaire de haut niveau me confia un jour que « dans le cours de sa carrière il avait dû à plusieurs reprises protéger son président en ne lui révélant pas toute l’information requise, pour ne pas le rendre vulnérable sur le plan médiatique, ou même devant son conseil d’administration. Autrement dit, un gestionnaire sérieux m’annonçait que la gouvernance devait être protégée de la sale job à être effectuée par les gestionnaires intermédiaires.

Selon cette vision de la gouvernance, un conseil d’administration ne se sentira point concerné par un accident tel que celui du Lac Mégantic. Ils seront sans doute touchés par les nombreux décès et empathiques aux réclamations et aux compensations des victimes et de leurs familles. Mais ils ne se sentiront en aucun cas responsables personnellement, parce que cela ne relève pas de leur rôle et que la direction subalterne ne les a pas mis au courant du risque.

Dans cet exemple, personne au conseil d’administration n’ayant soulevé la question de la continuité de l’entreprise et du risque associé au transport des produits dangereux avant le drame, le conseil d’administration sera beaucoup plus inquiet de la survie de l’entreprise que de la reconstruction de la ville.

Responsabilité des conseils d’administration et de la gouvernance.

Selon les PSGGR et au sujet de la  Transparence :

2.2 (2)             Essentiellement, on peut déterminer que l’administrateur doit rendre compte de son administration que ce soit au mandant ou à une personne ou un groupe désigné par celui-ci, par exemple : à un conseil d’administration, à un comité de surveillance ou à un vérificateur.

2.2 (3)             Dans la mesure où le mandant le permet et qu’il n’en subit aucun préjudice, l’administrateur doit également agir de façon transparente envers les tiers ou les préposés pouvant être affectés par ses actes.

Selon les PSGGR, le dévoilement d’information à des tiers de l’organisation, relève du conseil d’administration (mandant). Évidemment on ne s’attend pas à ce que des gestionnaires subalternes dévoilent des informations qui créeraient préjudice à l’organisation sans l’approbation du conseil d’administration. S’ils le font, ils risquent fort de perdre leur emploi. Un parallèle avec les ingénieurs subalternes des sociétés ayant fait affaire avec la ville de Laval explique cet Omerta.

Bouc émissaire : les employés

Comment s’opposer à la mauvaise gestion de leur patron ? Les professionnels qui ont un code de déontologie sont parfois eux-mêmes devant un affreux dilemme. Les comptables, les avocats qui facilitent ou contournent les règles au profit de leur client sont-ils aussi redevables ? Doivent-ils donner leur démission, dénoncer et subir des représailles ou encore fermer les yeux ? Il est difficile de mordre la main qui te nourrit.

Le devoir de transparence des conseils d’administration.

Ils vont m’en vouloir parce que les gestionnaires des conseils d’administration ont été formés sous l’égide d’une prémisse légale issue d’une vieille et poussiéreuse jurisprudence.

Pour l’ISG, une saine gestion est une gestion transparente et efficiente qui assure une continuité de l’organisation au-delà des décisions opportunistes à courte vue de ses administrateurs. Une saine gestion sera par définition en opposition plus ou moins active avec la gouvernance. Le principe lutte contre le conflit d’intérêt et l’immunité. (Principe d’abnégation)

Mais il semble que nous ne soyons pas les seuls à croire qu’une transparence est bénéfique pour lutter contre l’obscurantisme qui profite davantage à une gouvernance peu inclinée à gérer sainement.

L’organisme international bien connu Transparency International croit-il aussi que la première ligne de défense est une transparence d’accès à l’information. Son optique est bien sur la lutte à la corruption. La corruption découle d’une mauvaise gestion tout comme les grandes tragédies de l’histoire à la quelle vient de s’ajouter Lac Mégantic.

Note (1)

(…) Transparency International works around the world to (ref :  promote revenue transparency ) in the extractive industries because we believe this is an important way to hold companies and governments to account,(…) benefit from the wealth that comes from exploiting natural resources.

Revenue transparency, particularly in natural resource extraction, is essential so governments, citizens and shareholders know what companies are paying to whom, where these payments are going – and how they are being spent. Citizens need to be able to monitor the revenues received from companies to ensure that governments put them to good use to upgrade public services, such as healthcare and education, and alleviate poverty.

A lack of transparency is a corruption risk. (…)  

Source: 4 juillet 2013 : Transparency is the first line of defence against corruption, Transparency International


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