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L’affaire Norbourg : Croire à la compétence, malgré la fausseté du miroir, en enviant la réussite du prestidigitateur – Épisode 1

Tel que promis à plusieurs de nos lecteurs, nous entreprenons une série de textes portant sur l’affaire Norbourg. Notre intervention prendra ici la forme d’un minifeuilleton dans lequel régulièrement j’ajouterai de nouvelles sections à la fin du présent article. Ces textes seront repris et augmentés dans une nouvelle édition de mon ouvrage Exercer la Saine Gestion plus tard cet automne. Pour nos lecteurs hors du Québec, je me permettrai quelques notes complémentaires pour expliquer le contenu local du plus important scandale financier et managérial que le Québec n’a jamais connu1.


En 2005, des milliers de petits épargnants ont vu leur économie de retraite disparaître du jour au lendemain. L’affaire Norbourg venait s’ajouter à la collection d’histoires d’horreur managériale. Imbroglio de chassés-croisés entre divers intervenants, gestionnaires de fonds de placement, administrateurs de sociétés, banquiers, caissiers, comptables, vérificateurs, conseillers légaux et autres consultants qui semblent n’y avoir vu que du feu et de la fumée. Manifestement, leur jugement fut pour le moins affecté. Vincent Lacroix est en prison et bientôt plusieurs de ses employés passeront dans la casserole de la justice.


Notre propos ne portera pas sur les aspects criminels de l’affaire, d’autres le feront mieux que nous. Pour nous, l’affaire Norbourg représente beaucoup plus qu’une histoire de détournement de fonds et de fraude.


L’objectif est de répondre à cette question si souvent demandée.


  • Si des professionnels avaient conduit un audit de Saine Gestion et émis une opinion de conformité aux principes de Saine Gestion généralement reconnus, est-ce que cela aurait pu changer le cours des choses et éviter à des milliers d’épargnants les pertes causées par Vincent Lacroix et son équipe ?


Outre le fait que l’affaire Norbourg a été très médiatisée autour du procès de son actionnaire principal, Vincent Lacroix, Norbourg représente le type de malversations et de manipulations qui ont été conduites par le biais d’un organisme structuré, contrairement à des fraudes commises individuellement en marge d’une organisation. De prime abord, ils opéraient comme n’importe quelles autres entreprises. Vincent Lacroix était un PDG enviable, flamboyant et proche de ses amis.

Ce qui donnait, en apparence, confiance aux gens d’affaires était de croire à la compétence, malgré la fausseté du miroir, en enviant la réussite du prestidigitateur.


L’illusionnisme est un art, celui de tromper le regard du spectateur par dextérité manuelle ou par truquage. Pour qu’il y ait illusion, il doit y avoir des spectateurs. Les premiers spectateurs critiques qui auront été confondus par l’illusionniste deviendront des alliés, des victimes consentantes. L’art du truquage d’une telle envergure, ici de nature financière et comptable, nécessite le concours de plusieurs collaborateurs qui auront tous eu un rôle administratif et de développement d’affaires dans l’organisation Norbourg. À un moment ou à un autre, à titre de cadres ou de décideurs, ils auront été des complices volontaires ou involontaires de l’illusionniste. Longtemps après que le scandale a été mis à jour, Vincent Lacroix, tel qu’un alchimiste maléfique, a continué de jouer son talent de prestidigitateur en lançant régulièrement sa poudre de « perlimpinpin ». Parfois on l’aurait presque cru victime du système judiciaire.


Cours « 1012» : L’illusion financière pour les nuls.


Il est possible, pour un illusionniste de truquer ou de faire truquer les données financières en les faisant transiger par de nombreuses sociétés associées ou alliées grâce à des prête-noms. Une fois en boucle, il est alors possible de créer une vélocité laissant supposer, à première vue, un achalandage commercial immédiat. Dans le domaine du placement, l’accès à l’argent des épargnants était semble-t-il facile et peu contrôlé ou peu contrôlable, l’avenir nous le dira. L’illusionniste a besoin de matériel pour faire son spectacle. Force sera de constater que la table était mise pour un festin gargantuesque.


Par ailleurs, il est aussi assez aisé de créer une fausse vélocité monétaire par le transfert de liquidité donnant l’illusion encore une fois, par le truchement de nombreuses transactions intersociété, de démontrer le respect des critères et ratios sur lesquels le banquier établit sa surveillance.


Pour le management, les cadres et les employés, le volume d’affaires avec fausses et vraies factures, les nombreuses transactions et achats de sociétés, les encaissements, les largesses du patron et la franche camaraderie contribuaient à la grande illusion.


Bien sûr, cette illusion sera temporaire. Il faut bien sortir de la salle de spectacle à la fin de la soirée. Avant que votre esprit critique émerge de la nuit et commence à émettre des doutes sur la réalité du formidable tour offert par le prestidigitateur, il y aura peut-être quelques dégâts.


Vous avez beau avoir subodoré une intrigue, votre inconfort sera confronté à la béatitude des croyants. Il faudra établir une base et des éléments probants pour justifier une vérification, des preuves pour engager une enquête, des preuves irréfutables pour rencontrer un procureur. Il pourrait se passer bien des mois, voire des années avant que l’on puisse intervenir.


Dans la mesure où une vérification financière ou comptable est entreprise au terme de vos efforts, croyez-vous vraiment que notre chef illusionniste cessera sine die son jeu et fera reddition de compte ? Les vérificateurs financiers feront face à l’alchimie financière, à l’enchantement maléfique, à l’exsudation dogmatique et à la danse du serpent venimeux.


C’est ici que nous intervenons.


à suivre…


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1 À un lecteur étranger du Québec qui me posait la question, à savoir si Vincent Lacroix était une sorte de Robin des bois québécois, j’ai, sans doute, fait évaporer toutes ses illusions en répondant : « …… en fait Lacroix est l’antithèse de Robin des bois. Il a honteusement volé les pauvres pour s’enrichir personnellement, menant une vie princière et laissant derrière lui douleur et désolation. C’est un narcissique, mégalomane, omnipotent qui a trompé et soudoyé bien de gens dans son processus managérial.

2 Note : Pour nos lecteurs hors-Québec, l’utilisation du numéral « 101 »  fait référence à notre éducation collégiale (CEGEP) dont l’administration utilisait le code « 101 » pour exprimer le cours de base ou un cours d’introduction. Les américains comprendraient mieux l’expression « l’illusion financière pour les nuls ».

 
 
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