Gouvernance et éthique tutti frutti : Encore les pieds dans les plats !

Écrit par Bernard Brault le 14/05/2010

Urgence managériale ! Pour nos lecteurs hors Québec, sachez que le gouvernement Charest vient d’annoncer la sortie d’un code d’éthique pour le mois de juin. Il faut, semble-t-il, baliser le comportement humain avant que la place publique ne devienne, entre les opposants politiques, une foire d’empoignes continuelles et contre-productives.

L’Éthique pour l’éthique n’est pas une solution durable. L’ISG n’est pas contre la vertu ! Par contre le risque de développer un code de comportement éthique pour la gestion publique et municipale sans une vision intégrant une obligation de Saine Gestion, est aussi important que le risque de procéder à un développement urbain sans plan d’urbanisme.  Mais qui s’en soucierait ?

La Gouvernance sera, ne nous leurrons pas, aussi mal à l’aise avec un code éthique qu’avec une obligation de Saine Gestion. Sauf peut-être si ce code d’éthique est issu et créé par la Gouvernance elle-même. C’est-à-dire qu’il y aura plus de forme que de fonds. Cependant, cette approche ne pourra que laisser planer le doute du conflit d’intérêts. N’est-ce pas l’inverse que recherche la Gouvernance publique, redonner confiance aux commettants et aux électeurs ?  L’Éthique qui ne s’exprime pas à travers des valeurs comportementales et ne permet pas de comprendre ou de prévenir les actes répréhensibles ne sera jamais qu’un exercice de réflexion sans lendemains. Sauf pour les tribunaux et les avocats et les journalistes qui en feront leurs choux gras. Saviez vous que la plupart des problèmes d’éthique relatés par les médias sont déjà couverts dans le cas des élus municipaux ? Par exemple et sans s’y limiter Loi sur les cités et villes, Loi sur les élections et les référendum dans les municipalités, Loi sur le traitement des élus municipaux, et des dispositions du code civile, mais ils n’ont aucune d’obligation de Saine Gestion. Au Québec seul les CPE ont cette obligation spécifique,  curieux ?   Non ce sont des femmes qui gèrent.

L’approche matricielle de la Saine Gestion est devenue pourtant une réponse à un tour de force que personne ne croit possible: Concilier tous les éléments de la gestion, de l’intégrité, de la reddition de compte en harmonie avec les objectifs et la raison d’être des institutions publiques, sans oublier les ressources humaines, l’équité, les conflits d’intérêts, la corruption et la banale mais non moins présente « humainerie » de toutes les bureaucraties.

L’approche matricielle de Saine Gestion est une approche cartésienne et scientifique à élément fini, visant l’encadrement du comportement humain lorsqu’une mission de mandataire est confiée à un gestionnaire. C’est uniquement cette mission de mandataire qui justifie un comportement que l’on aurait eu tendance autrefois à appeler simplement intègre ou de probité.

Pour mémoire, c’est ainsi que la notion de confiance est devenue il y a vingt ans, au centre de la recherche effectuée pour identifier les valeurs qui étaient à l’origine de la Saine Gestion. Mais Saine Gestion ne pouvait pas être uniquement une question éthique. La finalité de la gestion et de la gouvernance est l’actualisation de la mission de l’organisation. L’efficacité, les résultats, la viabilité et la profitabilité ne pouvaient évidemment en être exclus. Les valeurs éthiques managériales à la base de la Saine Gestion devaient cohabiter avec la mission, les enjeux, l’exploitation, le capital, la finance et le profit. Cette nécessaire cohabitation est à l’origine de l’énoncé fondamental de la Saine Gestion : l’homéostasie. Paradoxe et inconfort, c’est la nature même du métier de gestionnaire, à moins de travailler pour un autre objectif moins avouable.

Jugée inutile, poussiéreuse et dépassée pendant un temps, la Saine Gestion revient, à titre de réponse, à tous les inconforts managériaux contemporains. Comme si l’Abnégation du gestionnaire mandataire pouvait être vraiment remise en question ! Refuser d’admettre que le conflit d’intérêts est l’épée de Damoclès de tous les gouvernants est d’une malhonnêteté intellectuelle inconcevable.

L’éthique qui était un des intrants du modèle de Saine Gestion devient une nouvelle raison d’utiliser ce modèle matriciel pour répondre aux questions éthiques qui hantent tous nos gestionnaires publics. Autrement dit, parler d’éthique dans le domaine de la gestion vingt ans après avoir développé le concept de Saine Gestion est une façon de boucler la boucle et de compléter la démonstration de l’utilité du concept.

En espérant que nous serons entendus.


9 commentaires

par Jean Picard le 05/14/2010

Article bien structuré, met en valeur le fondement essentiel d’un code d’éthique, la référence à la pierre angulaire de la responsabilité du gestionnaire ou du représentant public, soit la saine gestion.
Il faudrait que cet article bénéficie d’un diffision plus large, la Presse, le Devoir, ou le Journal les Affaires et en même temps, contribuer à faire connaitre l’Institut.
Bravo et merci.

par S. Toussignant le 05/16/2010

Tout à fait d’accord avec M. Picard sur tous les points. Pourquoi pas le soumettre à un journal?

En passant, sur Facebook, vos accents ne s’affichent pas correctement.

Stéphane

par Thierry le 05/20/2010

Très cher Bernard,

Avez-vous idée de ce à quoi ressemblera le code d’éthique de votre gouvernement Charest ? Je pose la question car vous n’êtes pas sans savoir que l’éthique est un domaine vaste aux frontières floues.

Si votre gouvernement fait référence à l’éthique comme les abbés font références aux pêchés capitaux, vous n’êtes pas sortis de l’auberge. Quelle est, selon monsieur Charest, la définition d’un manque d’éthique ? D’une autre perspective, quelle est, toujours selon lui, la définition d’une preuve d’éthique ?

Est-ce que les malversations des dirigeants et administrateurs d’Enron ou de MCI sont simplement des manquements à l’éthique ou au contraire représentent-ils des crimes économiques ? Est-ce que les indélicatesses des dirigeants et le silence des administrateurs pour obtenir des marchés publics de BTP en France évoqueraient un manque flagrant d’éthique aux yeux de monsieur Charest ? Et que dire de ceux qui font utilisation d’information privilégiée pour réaliser des profi ts personnels, comme l’intention en a été prêtée à certains dirigeants d’EADS ? Ou encore la corruption des acheteurs de constructeurs automobiles allemands par Faurecia et fort bien connue du directeur général ? Dans le cas des administrateurs municipaux, les abus de bien sociaux ou les pistons entre amis seront-ils vus comme de manquements graves à l’éthique ?

La notion d’éthique de ceux pour qui tous les coups sont permis doit s’apparenter à un chewing-gum qu’on mallée à souhait, puis qu’on jette au rebus lorsque le parfum s’est estompé. Au fond, peut-être qu’un code d’éthique sous forme de vignettes Malabar ou Bazooka Joe conviendrait à ces derniers.

Tenez-nous au courant !

Papi

par Bernard Brault le 05/20/2010

Cher Thierry,

Vous rejoignez avec pertinence mon inquiétude, et m’enlevez presque les mots de la bouche. En fait, l’éthique de Monsieur Charest ne sera que faible pastiche si elle n’oblige l’inclusion d’une obligation de Saine Gestion.

Mon propos et mon souhait regardent uniquement l’éthique « managériale ». L’éthique qui concerne les obligations du mandataire ou du fiduciaire. Celle qui concerne la profession et justifie la confiance. Sans les connaître, de prime abord, vos exemples européens ne semblent pas très différents des nôtres.

Il est évidemment plus convenant de parler d’humaniste, de spiritualité, d’un protocole de bienséance ou de courtoisie de savoir-vivre et de savoir-être. L’Éthique du gouvernement n’est peut-être qu’une nouvelle forme de relation de travail entre les détenteurs du vrai pouvoir et qui fera taire la meute de journalistes aboyants !

Il faut aussi préciser que toutes ces questions sont discutées par des juristes et pour des juristes qui abusent, quant à moi, de cette notion de « Société de droits » et de l’apparente séparation du pouvoir exécutif, judiciaire et du législatif.

Entendu hier soir à la télé venant d’un éminent juriste, placé lui-même dans une situation de conflit d’intérêts potentiel, qui, profitant de la tribune, dénonce l’utilisation abusive de cette notion « d’apparence de conflit d’intérêts » dans des domaines autres que judiciaire. Le droit n’a pas inventé la probité. La probité a suggéré au législateur de définir la probité. Comment vous dites chez vous, tout le monde voit midi à sa porte ?

Bernard

par Robert Van der Waals le 05/31/2010

O, tous ca n’est pas seulement dans votre pays du Quebec mais aussi ici dans le Pays-Bas. Peut-etre qu’on a besoin aussi de la „saine gestion”!

Robert

par George D. Jackson le 10/03/2010

I now see another concept… Ethical Code. What is the hierarchy between Ethical Code, Governance and Sound Management? Is one a subset of the other?

George D. Jackson

par Philippe Bruno le 10/04/2010

Mr. Jackson,

Corporate ethics, corporate revealed ethics, corporate applied ethics, corporate values, business ethics, code of ethics, etc… All these terms are more or less synonymous and they all refer to rules set forth by a body of an organisation such as the board of directors.

The problem with this concept lies in the fact that the persons deciding on those rules generally are generally avoiding rules that would “limit” their power and latitude. This often results in loopholes that defeat the purpose of the whole concept.

On the other hand, the Sound Management Framework is framed on generally accepted sound management principles (GASMP) that are both objective and measurable in day to day management.

Philippe Bruno, C.Adm.
Member of the Consultative Committee
Institute of Sound Management

par Omar Khartoum le 11/14/2010

What are those generaly accepted sound management principle? Are they universal or specific to your country?

- Omar

par Bernard Brault le 11/14/2010

Omar,
The Sound Management is defined by fundamental principles and by a framework for the implementation of an ethical code characteristic of the rule of law. The fundamental principles are Universal and could be use in any kind of organization. The implementation principles and norms were published by the OAAQ in the compendium of the Generally Accepted Sound Management Principles (GASMP).
The Sound Management is a systematic and rigorous management approach integrating in a matrix-type model. This tool as been developed by Deveaux Brault Firm and it is now available for the Sound Management Institute member. Lot of material is now available in English. Please feel free to contact SMI (ISG)

Bernard Brault
President
Sound Management Institute

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