6 façons de vous assurer d’une mauvaise gestion: Montréal

Écrit par Bernard Brault le 19/05/2011

Ville de Montréal : mauvaise gestion « 101 »

Montréal est-elle devenue une ville ingouvernable ou mal gérée ? Entre le festival des cônes orange(1), l’incohérence stratégique des arrondissements, l’initiative émotive d’apprentis sorciers pour empêcher la circulation automobile à travers certains arrondissements et l’intervention discutable auprès d’une société privée pour s’assurer d’un approvisionnement en bicyclettes, élément, semble-t-il, crucial de l’économie de la Ville de Montréal. Serions-nous aux confins de la frontière qui sépare la folie du délire ?

Je vous ai promis une liste de 10 façons pour vous assurer d’une mauvaise gestion de votre organisation. La Ville de Montréal me permet aujourd’hui de vous en démontrer au moins 6. Je dois m’en garder quelques-unes pour les autres villes, Québec peut-être !

Le concept de Saine Gestion n’a pas pour objet en général de rechercher la mauvaise gestion. Le concept a pour objet, de façon positive, de mettre en place des règles qui assurent une gestion « saine ». Cependant, par opposition à une gestion qualifiée de saine, il y a la gestion qualifiée de mauvaise. Ce n’est pas notre approche mais c’est l’approche généralement reconnue du grand public. Constater la mauvaise gestion est plus facile après coup que de la prévenir.

Nous jouerons le jeu et ferons le lien entre le langage de nos gestionnaires et gouvernants et les principales combinaisons de notre approche Saine Gestion. Les 41 cases de la matrice de Saine Gestion nous permettent facilement d’identifier des centaines d’actes qui démontrent une mauvaise gestion, ce que nous appelons, en termes plus professionnels, des dérogations aux principes de Saine Gestion.

Pour beaucoup de décideurs la mauvaise gestion est une simple question d’incompétence, en général une chose mal faite, avec négligence ou de façon inefficace. Généralement, la mauvaise gestion est définie par des mauvais résultats, un scandale ou des allégations mais rarement par l’identification d’actes précis, de décisions ou par l’absence de décisions. Pourtant le problème se situe bien à ce niveau.

Pour des raisons de pudeur ou de lâcheté peut-être, les décideurs ne veulent pas parler des actes de gestion qu’ils posent ou qu’ils délèguent dans le cadre de gestion qu’ils ont instauré. Seuls les résultats comptent. Est-ce vraiment l’attitude professionnelle à laquelle nous devons nous attendre venant de personnes qui sont investies d’un pouvoir de mandataire, de fiduciaire ?

Tôt ou tard une mauvaise gestion a des conséquences.

MONTRÉAL, la malheureuse et incomprise grano.

Le dossier du Bixi, devenu symbole international de la ville de Montréal, doit-il faire l’objet d’un sauvetage in extremis par une instance gouvernementale normalement vouée à la gestion municipale ? Il n’est peut-être pas anormal que des institutions publiques interviennent pour sauver des emplois, dans des secteurs économiques, viables ou prometteurs en termes de retombées économiques probantes. Il est vrai que ce n’est pas la première fois que nos gouvernements interviennent en engloutissant des sommes démesurées dans des canards boiteux !

En matière de Saine Gestion, l’importance relative d’une dérogation aux principes de Saine Gestion est directement proportionnelle à la mission de l’organisation, ici de la plus grande ville du Québec. Mais les dirigeants de la ville de Montréal selon toute vraisemblance, n’apprennent pas de leurs erreurs. Qui se rappelle du scandale des compteurs d’eau ?

Examinons ici des éléments de fait qui nous permettent d’identifier des actes et décisions de gestion qui garantissent à coup sûr qu’ils se terminent par des allégations de mauvaise gestion. En matière de Saine Gestion nous appelons ça des dérogations aux principes et normes de Saine Gestion.

Première façon de vous assurer d’une mauvaise gestion

Plus vous avez à cacher, plus vous cacherez. Plus vous cachez, plus les médias chercheront. Sur ce qu’ils ne pourront trouver ils feront de l’extrapolation et vous perdrez en plus votre intégrité. Plus vous espionnez, plus vous déclencherez de la paranoïa, et plus la police enquêtera. (Dérogation évidente aux principes de Transparence, d’Équilibre et d’Équité)

C’est bien l’avis de Paul Arcand, du 98,5 FM, qui selon Le Devoir du 19 mai 2011, a littéralement mitraillé de questions monsieur Tremblay concernant les allégations de corruption, les enquêtes internes menées à la Ville. Gérald Tremblay a alors haussé le ton.

«Il y a des mandats qui ont été donnés par la Sûreté du Québec pour faire des vérifications. Ces vérifications ont été faites, a-t-il lancé. Je ne vous donne pas les détails. Je vous dis que des hautes autorités de la Sûreté du Québec ont déjà dit qu’elles n’avaient jamais donné de mandat à la Ville de Montréal de faire des vérifications. Je vous dis aujourd’hui qu’il y a eu au moins trois mandats donnés par la Sûreté du Québec.» «La Sûreté du Québec nous a menti ? C’est ce que vous êtes en train de me dire ?», a répliqué, sur un ton sceptique, l’animateur. «Employez les mots que vous voulez», a répliqué le maire.( le Devoir.com 19 mai 2011)

En matière de transparence, l’obligation de rendre compte au mandant ou dans le cas qui nous occupe, aux commettants, est un élément crucial dans la confiance que doivent démontrer nos dirigeants mandataires de biens et ressources publics.

Seconde façon de vous assurer d’une mauvaise gestion

Réagir en pompier, devant un feu appréhendé ou théorique dans une société commerciale privée qui menace de s’effondrer.

Tous les spécialistes en redressement d’entreprises, en refinancement d’organisation vous diront que sans une analyse diagnostique de l’ensemble de l’organisation, de sa gestion et des causes précises qui l’ont amenée en difficultés financières, il est à peu près inutile, voire suicidaire d’investir de l’argent sans une chirurgie profonde et douloureuse de la structure décisionnelle en place, c’est-à-dire le conseil d’administration et surtout son président. (Dérogation aux combinaisons de Planification et de Continuité et aux combinaisons de Direction et d’Efficience)

(…) Sur la défensive, M. Plamondon (Président de la société SLVB)  a fait ( NDA : évidemment )  l’éloge de Bixi avec un débit accéléré et en gesticulant sans arrêt. Il a parlé d’une entreprise rentable, qui était promise à un bel avenir outre-frontière. (Le Devoir.com 18 mai 2011)

Compte tenu de l’absence évidente de Transparence, on pourra aisément douter des arguments du maire et des élus municipaux. Une analyse d’une firme externe indépendante sur la VIABILITÉ de la société (non des BIXI) aurait apporté une information rassurante.

Troisième façon de vous assurer d’une mauvaise gestion : Investir dans une structure boiteuse

Avoir les yeux plus grands que la panse fait partie parfois des délires mégalomanes des dirigeants de certaines sociétés privées. Est-ce le cas ici ? Pourquoi la Ville cautionnerait-elle une expansion internationale ?

Lorsque les institutions financières, les investissements privés et même le gouvernement du Québec par ses institutions de financement considèrent que le sauvetage de l’entreprise serait trop risqué, ou que l’entreprise ne cadre pas dans aucun programme, nous sommes en droit de nous inquiéter de l’argent qui sera investi dans une société peut-être en perdition. (Dérogation possible à la combinaison Planification et Efficience)

Pourquoi les commettants et payeurs de taxes doivent-ils prendre le risque à la place des institutions financières ?

Quatrième façon de vous assurer d’une mauvaise gestion : Tenir compte du discours du vendeur et ne pas évaluer d’autres avenues de solutions.

Ce n’est pas monsieur Plamondon  qui vous proposera d’autres solutions qui lui seraient défavorables. La peur du vendeur d’assurance est bonne conseillère !

Le sauvetage financier n’était peut-être pas la seule solution : Tous les experts en redressement d’entreprises privées vous diront que l’analyse de différentes avenues de solutions pour les besoins de la Ville, incluant celle d’une demande de la protection des tribunaux ou d’une faillite pure et simple doit être envisagée avant que des sommes importantes soient réinvesties. Une autre société aurait pu racheter les actifs et honorer les contrats. Pourquoi la Ville de Montréal doit-elle assurer le paiement des fournisseurs de la SLVB ?

(Dérogation à la notion de Prudence et de Risque, psggr : par 4.4.4)

Voici ce qu’en disent les PSGGR de l’OAAQ :

4.4.4    NOTION DE RISQUE

4.4.4 (1)          Le risque est inhérent à la prise de décision. Il se mesure par le niveau de conséquences négatives que peut engendrer une décision sur l’ensemble de l’entreprise ou de l’organisation.

Normes

4.4.4 (1.1)       Conformément à la notion de risque et au principe de précaution (cf :4.2), l’administrateur doit faire une analyse des risques et des conséquences découlant des décisions qu’il prend et pouvant avoir un impact prévisible sur l’organisation. (30-06-2005)

4.4.5    NOTION DE PRUDENCE

4.4.5 (1)          La prudence est la contrepartie au risque que prend l’administrateur dans son processus de prise de décision. La prudence a pour objet la protection du patrimoine.

4.4.5 (2)          Par le principe d’Équilibre, l’administrateur doit à la fois être prudent et prendre un risque d’affaires. En fait, il doit être raisonnablement prudent et prendre un risque raisonnable dans le cours des affaires de l’entreprise.

Cinquième façon de vous assurer d’une mauvaise gestion : Se placer en situation de conflit d’intérêts économiques ou politiques

Qui n’aimerait pas que le maire de Montréal fasse la promotion d’une société privée à travers le monde ? Que le design d’une bicyclette, fut-elle Bixi ou CCM, soit le symbole de la ville de Montréal n’est pas en soi un véritable problème.

Par contre, qu’une marque de commerce en particulier soit associée au maire de cette grande ville pose un problème évident de distance entre le décideur et la réalité commerciale et la profitabilité d’une entreprise privée. Est-ce le principe du vélo de location ou de la marque Bixi qui est le véritable enjeu ? La marque de commerce Bixi, ou toute autre nouvelle génération de bicyclettes pourrait tout aussi bien faire le travail si la société privée qui en fait la promotion ne peut en assurer la survie économique.

Le président de la société promoteur du Bixi s’exprimait ainsi :

(…) C’est d’ailleurs pour se propulser à l’étranger que Bixi « a besoin d’équilibrer la situation financière », a-t-il expliqué. La SVLB a un problème de liquidités pour la période de transition qui se situe entre le moment où un contrat de vente a été conclu, ce qui entraîne le paiement des fournisseurs (construction des vélos, entre autres), et celui où les clients internationaux (Londres, par exemple) reçoivent les équipements et honorent la facture. ». (Le devoir.com, 18 mai 2011)

L’insistance du plus haut dirigeant de la Ville, son empressement à suppléer le rôle du privé, même d’une société à but non lucratif, et le lien émotif évident avec le produit Bixi, risquent de biaiser sa capacité à prendre une décision éclairée, pragmatique, aux bénéfices de ses commettants.

Tolérer, accepter que certains dirigeants soient aussi en conflit d’intérêts en prenant une décision contreversée :

« Par ailleurs, il a été invité à s’expliquer sur l’embauche de sa conjointe. M. Plamondon a vanté ses compétences et a fait une déclaration qui a déclenché l’hilarité générale: « Ça m’a permis d’avoir toujours la vérité sur ce qui se passait, parce que mon épouse ne se gêne jamais pour me parler ». (Le devoir 18 mai 2011)

Sixième façon de vous assurer d’une mauvaise gestion : Invoquer l’urgence pour justifier l’absence d’une analyse approfondie

Dans le cadre d’un projet déjà controversé, invoquer l’urgence peut cacher d’autres enjeux.

(…) Invité à commenter la situation, le maire Gérald Tremblay a banalisé ce style de gestion, le justifiant par la nécessité de prendre « des décisions rapides ». ( Le devoir 18 mai 2011)

Selon les PSGGR de l’OAAQ, au niveau de la fonction Direction :

4.4.6    PRINCIPE DE RECUL

4.4.6 (1)          Le recul est cette faculté qui permet à l’administrateur de s’éloigner dans l’espace et dans le temps pour bien apprécier les événements.

Par ce principe, l’administrateur augmente la rationalité de ses décisions, améliore sa perception globale et son acuité quant aux conséquences des actes qu’il doit poser.

4.4.7    PRINCIPE DE CONSULTATION

4.4.7 (1)          Consulter est cette faculté qu’a un administrateur de prendre avis, quant aux fondements et conséquences d’une décision.

Cette consultation permet de mieux gérer le risque inhérent à la prise de décision.

Conclusion

Tôt ou tard une mauvaise gestion a des conséquences. Aidez-moi ! La conclusion m’effraie !

Si le projet et la société des Bixis survivent, ils seront tous de bons politiciens, si tout s’écroule, nous paierons. L’immunité sera encore pour eux, comme les 40 milliards de la Caisse de dépôt ! Ah ! Vous avez déjà oublié ! Et si on leur avait demandé d’investir leur argent personnel ou de rembourser leur gaffes ?

Bernard Brault, F. Adm.A, FCMC, est consultant expert en Gouvernance, en éthique managériale® et en Saine Gestion. Il a procédé à plusieurs mandats en redressement financier et organisationnel de société privée et publique. Auteur des livres Exercer la saine gestion, Fondements, pratique et audit, et Le cadre de Saine Gestion, un modèle de gouvernance intégré, publiés aux éditions CCH.

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(1) Pour nos lecteurs étrangers, les chaussées de Montréal à cause des décisions éclairées de nos politiciens granolas ressemblent à une ville d’Europe bombardée pendant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi une quantité inimaginable de balises coniques de couleur orange guident les méchants conducteurs entre les travaux interminables et surtout mal coordonnés par les autorités, et les trous qui pourraient pourtant faire disparaître un Bixi au complet.


3 commentaires

par Dominique le 05/19/2011

Bravo Monsieur Brault, mais j’en aurais au moins 36 autres à vous proposer!

par Philippe Bruno le 05/19/2011

Bonjour Dominique,

Si vous avez des exemples concrets concernant la ville de Montréal à nous communiquer, vous êtes le bienvenu!

Merci pour votre intervention.

Philippe Bruno, Adm.A.
Membre du Comité consultatif
Institut de Saine Gestion

par Bernard Brault le 05/19/2011

Vous avez sans doutes raison. Mais déjà 4 pages pour exprimer correctement 6 aspects. Imaginez 36. Bon il y a moyen de simplifier avec la matrice de SG. Pouvez-vous m’aider et m’en écrire quelques-uns ?

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