Rouler sans se faire rouler en BIXI

Écrit par Bernard Brault le 22/06/2011

Dans l’affaire des bicyclettes libre-service, Montréal est en train de prendre une véritable odeur de scandale encore une fois. Décidément, il semble impossible aux administrations publiques d’appliquer une Saine Gestion dans les actes qu’ils posent au nom de leurs commettants. Par ailleurs, il semble que les Montréalais s’habituent à ce parfum nauséabond, du pain, des jeux, des cônes orange et de la bicyclette, à n’importe quel prix.    Bof… !

L’un des pires cas de laxisme et de mauvaise gestion.

Le vérificateur général de la Ville de Montréal, Jacques Bergeron, exprime très clairement que les « règles élémentaires du domaine de la gestion ont été négligées ou escamotées». Il assomme poliment mais élégamment l’administration municipale, l’organisme Stationnement Montréal et la Société de vélo libre-service (SVLS). Il parle d’inertie, de mauvaise planification, d’absence de coordination, bref le tutti frutti de mauvaise gestion, mais il reste vague sur la structure organisationnelle et les fonctions de gestion complètement oubliées par les décideurs. Autrement dit, monsieur Bergeron parle, selon nous, à mots couverts, d’une véritable entorse aux principes fondamentaux de Saine Gestion de l’OAAQ. Pourquoi ne pas l’exprimer clairement ?

Il est vrai que l’OAAQ a développé les PSGGR pour la profession de gestionnaire.  Mais faisons comme si….et seulement si les gestionnaires impliqués dans le dossier des Bixis avaient une obligation de Saine Gestion !

De façon générale, le vérificateur constate une multitude de dérogations, principalement de nature juridique. Il constate, à plusieurs reprises, que les décideurs, à tous les niveaux, tentaient de faire indirectement ce qu’ils n’avaient juridiquement pas le droit de faire dans le cadre des statuts de la Ville et du rôle d’une entité municipale. Sur le plan managérial, le rapport est dévastateur, disons en théorie, mais en pratique l’approche intégrée de Saine Gestion aurait permis d’identifier précisément les actes fautifs.

Définition d’un acte administratif selon l’OAAQ

1.2 (7) «Acte administratif» : Manifestation de la volonté d’un administrateur d’utiliser les moyens requis pour atteindre un objectif par tout fait, geste, action, inaction ou parole exprimant une décision de planifier, d’organiser, de diriger, de contrôler ou de réviser les activités d’une organisation.

1.2 (5) «Administration» : Ensemble des actes administratifs posés afin d’atteindre les objectifs d’une organisation ou d’une entreprise.

Par exemple, pour fins d’illustration, le vérificateur constate à la page 108 :  (…) De façon générale, les mécanismes de suivi et le contrôle prévus dans l’entente de 1995 nous paraissent judicieux. Ce qui pose plutôt problème, c’est que ces obligations n’ont pas été balisées par l’administration municipale dans une procédure stricte et, par surcroît, aucun responsable de l’application des clauses contractuelles n’a été identifié.

Selon l’OAAQ, à la section  4.3.5, Organisation et Transparence :

4.3.5 (1) L’administrateur doit assurer la mise en place et le maintien de procédés, politiques et directives visant la reddition de comptes et l’établissement de moyens de communication avec les cadres et employés de l’organisation. (09-04-1999)

4.3.5 (2) L’administrateur doit mettre en place les processus, politiques et moyens nécessaires pour que tout supérieur hiérarchique soit informé de façon complète et sans délai de la conduite des affaires de l’organisation sous son autorité et sa responsabilité. (05-05-2002)

toujours selon l’OAAQ, à la section  4.3.5, Organisation et Transparence

4.3.6 (2) Afin de ne pas mettre à risque le patrimoine et la survie de l’organisation, l’administrateur, lorsqu’il affecte des ressources et moyens qui serviront à l’atteinte des objectifs de l’organisation ou d’un projet en particulier, doit s’assurer qu’il n’épuise pas les ressources disponibles. (05-05-2002)

et selon l’OAAQ, à la section  4.5 Contrôler

4.5 (4)                    L’administrateur qui exerce la Saine Gestion doit s’assurer qu’une démarche de contrôle, telle que définie au paragraphe 4.5 (2), est entreprise à chaque fois qu’un processus administratif est enclenché.

Utopie managériale et stratégique

Ça pense à quoi un gestionnaire quand ça gère ? Ça pense à quoi un gouvernant quand ça gouverne, à part sa partie de golf  ? son fonds de pension ? Assurément, dans l’affaire Bixi, ils n’ont pas planifié avec un esprit de continuité :

Selon l’OAAQ à la section Planification et Continuité:

4.2.4 (1)            Lorsqu’il planifie, l’administrateur doit s’assurer que le projet ne met pas l’avenir de l’organisation à risque pour obtenir un résultat à court terme. Plus précisément, l’administrateur ne doit pas privilégier le succès à court terme aux dépens de la viabilité future. (28-04-1998; 05-05-2002)

Sur le plan stratégique, la situation de la société des Bixis est paradoxale voire non viable. Selon Gabriel Béland dans La Presse du 20 juin 2011, les principaux enjeux stratégiques se résument de la façon suivante :

D’une part :

(…) la Société de vélo en libre-service (SVLS), devra bientôt se départir de toutes ses activités internationales. Il s’agit d’une condition du gouvernement provincial pour permettre à Montréal d’aider financièrement la Société, puisque les villes ne peuvent financer des opérations commerciales à l’étranger. La société mère de BIXI ne pourra donc plus courir le monde pour vendre ses vélos comme elle le fait actuellement. Rappelons que la SVLS a déjà exporté son système à Londres, Toronto et Washington, notamment. Elle est aussi dans la course pour décrocher un important contrat afin de fournir 10 000 bicyclettes à New York.

Ensuite :

(…) Le président du conseil d’administration de la SVLS, Roger Plamondon, (…) a laissé entendre que des investisseurs privés pourraient racheter les activités internationales de BIXI.

Par ailleurs :

(…) Chose certaine, il est difficile de voir comment BIXI pourrait être bientôt rentable sans sa composante internationale.

L’année dernière, la Société a perdu 7 millions dans ses activités montréalaises. Ses ventes à l’étranger lui ont rapporté 8,5 millions, pour un bénéfice de 1,5 million.

Finalement :

(…) «Paradoxalement, la SVLS a impérativement besoin de l’exportation pour assurer sa rentabilité, mais elle devra se départir de cette activité», écrit le vérificateur, qui se montre très sceptique quant à la capacité de BIXI d’être un jour profitable. Selon lui, il faudrait que le système de vélos en libre-service montréalais fasse des profits de 5 à 6 millions par année pour être viable, notamment pour remplacer les vélos et les bornes à la fin de leur vie utile, dans sept ans.

Ça pense à quoi un décideur quand ça décide ?

Des solutions s’il vous plait, pas seulement des scandales.

Honnêtement, sommes-nous vraiment surpris ? Le problème fondamental est lié à l’absence d’obligation d’une Saine Gestion. Personne n’a de cadre de Saine Gestion intégrant les actes posés (ou non posés) par les décideurs, c’est-à-dire : planifier, organiser, diriger, contrôler, coordonner en relation avec une obligation de transparence, de continuité, d’efficience, d’équilibre, d’équité et d’abnégation.

La compétence n’est pas garante d’une Saine Gestion.

Il n’y a pas de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. S’obliger à sainement gérer selon un cadre intégré de gouvernance, cela, ils ne veulent pas l’entendre, ils ne veulent surtout pas s’y soumettre. C’est la réalité. Mais nous, les payeurs de taxes, quand nous serons vraiment fatigués de payer démesurément trop cher pour un symbole écologique pseudo bien-pensant, nous aurons le choix de voter pour une nouvelle génération de gestionnaires publics rompus à des règles de gouvernance éthique et encadrées par une matrice intégrante qui servira de guide aux gestionnaires, leur permettant de rendre des comptes en conformité avec les règles précises propres à la profession de gestionnaire.

Parce que c’est de cela qu’il s’agit : rendre des comptes, c’est-à-dire accepter de rendre des comptes par rapport à un référentiel qui ne permet pas d’échappatoire. Rendre des comptes de sa gestion avant que le scandale n’arrive ! Pas après !

Autrement dit, la gestion est, bien évidement, une question de compétence professionnelle. Mais l’ISG rappelle qu’il s’agit d’une compétence en gestion, et la gestion professionnelle  n’est pas une activité accessoire aux autres professions.

Un Autodiagnostic de Saine Gestion™ permettant d’évaluer la conformité aux PSGGR existe et est disponible à l’ISG pour tous les autres gestionnaires professionnels.


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