Les ponts ne tombent pas par hasard

Écrit par Bernard Brault le 11/08/2011

Bientôt la rentrée, et encore un pont qui tombe ! En fait, le plafond du tunnel Viger, artère importante d’accès à Montréal, est tombé dimanche matin le 31 juillet. Après l’autoroute métropolitaine qui a perdu un bloc de ciment le 30 mai, le pont Mercier dont les structures sont devenues soudainement dangereuses et qui est presque fermé depuis le 14 juin, et le pont Champlain, le 7 juillet, dont les joints de dilatation ont ouvert un trou béant sur le Saint-Laurent. Voilà maintenant que la série noire continue, par pur hasard…

Et si cela n’était que les ponts ! Il y a aussi l’effondrement des marchés boursiers et la menace d’une nouvelle récession mondiale qui se dessine. Ça va de mal en pis. Cependant, toutes ces catastrophes ne sont pas les résultats d’un acte de Dieu. Elles ont toutes en commun une source d’activité et de décision humaine. Encore un bon moment pour relancer le débat : Doit-on encadrer la gestion et exiger une reddition de compte, conformément aux principes de Saine Gestion ?

Les cône-ries orange,(1) ce n’est pas terminé, faites-moi confiance ! Selon La Presse du samedi 6 août 2011, Montréal (et la région) est parmi les villes les plus négligées en Amérique du Nord : Décrépitude, immobilisme politique, conflits d’intérêts, corruption et pratiques de gestion douteuses, allons…. tout va très bien, madame la marquise, comme disait la chanson de Trenet tout juste avantla Seconde Guerre mondiale.

Non ! Les ponts ne tombent pas par hasard. Ils tombent à cause de la mauvaise gestion, du laxisme, de la flagornerie, de la bureaucratie, du je-m’en-foutisme préretraite, du facteur humain, quoi !

S’il fallait enlever l’application du code de la route, l’anarchie sauvage s’installerait rapidement au profit des plus gros moteurs ? Pourquoi en gestion on n’impose pas une obligation de Saine Gestion, on pourrait donner quelques amendes à l’occasion et enfermer les récidivistes !

Sommes-nous les otages de la mauvaise gestion ?

Sommes-nous responsables de notre propre turpitude ? Oui, sans aucun doute, mais lorsque les décisions sont prises par d’autres, par des pseudo-gestionnaires dont les seules compétences sont liées à leurs paradigmes d’un autre âge et à leur grande gueule de vendeur de voitures usagées, nous devenons des otages, des otages abandonnés et susceptibles de développer le syndrome de Stockholm. Ce syndrome désigne une certaine propension aux otages qui partagent une période de vie avec leurs geôliers à développer une empathie, une sympathie, envers ceux qui les ont contraints.

Si oui, pourquoi ne fait-on rien ? Notre vision de la gestion est moyenâgeuse. Le pouvoir de l’argent et la puissance de l’asservissement sont des extrants de la nature humaine. Ne nous leurrons pas, cela n’a pas vraiment changé, malgré une révolution, toute française qu’elle fût.

Le syndrome de l’autruche

Le sable chaud convient bien à la tête d’une autruche et à celles de plusieurs gestionnaires. Confortable, elle évite de confronter la réalité, celle des décisions qui ne feront pas l’unanimité. Gagner du temps gonfle en général la facture, mais qui s’en soucie ? Il y a aussi l’immunité, celle qui permet la langue de bois, celle qui protège les copains, celle qui permet de se retirer d’une situation délicate sur un pont d’or vers la retraite.

On enseigne la gestion comme une science sociale. On observe en laboratoire le comportement des administrateurs pour en tirer des conclusions scientifiques. On réfléchit encore sur la position à prendre concernant les règles de gouvernance, et une éthique claire dela profession. Parceque la gestion c’est tout, n’importe quoi et son contraire, c’est plus complexe à enseigner.

On encadre encore moins la profession de gestionnaire, parce qu’il faut, semble-t-il, laisser de la marge de manœuvre au leader, aux gouvernants et que par-dessus tout il faut laisser la profession ouverte à n’importe qu’elle autre profession. Finalement, il est plus facile de s’abrier derrière des règles comptables. Une calculatrice n’a effectivement pas à résoudre des questions morales ou éthiques dans les décisions prises.

Ne parlons pas non plus des administrateurs de sociétés (conseil d’administration) publiques et privées qui se cachent derrière des règles de gouvernance gentilles dessinées pour respecter l’esprit minimal de la loi où l’éthique de la gestion est à manipuler comme de la dynamite !

Encore surpris que les ponts, tunnels, valeurs boursières et fonds communs s’effondrent ?

Saine Gestion bien ordonnée commence par soi-même !

Saine Gestion, au-delà des normes de l’OAAQ est une façon systématique d’aborder la question de la reddition de compte et de l’éthique dans le respect de la mission confiée au gouvernant. Gérer, c’est essentiellement être au service de ceux qui confient leurs biens et leurs ressources. Être au service c’est, entre autres, être transparent envers les mandants, mais c’est aussi assurer la continuité, l’efficience, l’équilibre, l’équité et l’abnégation. Bon cela, vous le savez. Mais résumons pour nos ponts, chaussées, et fonds collectifs de retraite……..quelques idées comme ça.

 4.2 (5)  PRINCIPE DE PRÉCAUTION

 4.2 (5.1)  Le principe de précaution est lié à l’obligation de prévoyance de l’administrateur. Il s’exprime par des dispositions administratives spécifiques pour éviter ou limiter des conséquences négatives découlant de situations ou d’évènements potentiels ou éventuels qu’ils soient de sources externes ou internes à l’organisation. (30-06-2005)

 4.2.3    PLANIFICATION ET EFFICIENCE

Normes

4.2.3 (1)          Tel que stipulé au paragraphe 2.4 (2), l’administrateur raisonnable et prudent est conscient que toute ressource est limitée. Ainsi, il doit démontrer dans son processus de planification, l’utilisation optimale des ressources. (05-05-2002)

 4.3.1   ORGANISATION ET EFFICIENCE

4.3.1 (1)          L’administrateur qui a le pouvoir d’obtenir et d’affecter des ressources doit mettre en place des processus, des politiques et des moyens pour atteindre l’utilisation optimale des ressources nécessaires à l’accomplissement des objectifs de l’entreprise ou de l’organisation. (05-05-2002) L’affectation des ressources doit aussi se faire en considération du respect des échéanciers, de l’importance et de la complexité des mandats à accomplir. (05-05-2002)

 4.3.1 (3)          L’administrateur doit s’assurer que les ressources mobilisées sont adéquates et réparties avec efficacité et économie selon le schéma de priorité établi au paragraphe 4.4.10 (2) pour l’atteinte des objectifs du mandant. (28-04-1998; 05-05-2002)

 4.4.1   PRINCIPE D’HARMONIE DES OBJECTIFS

 4.4.1 (1)          L’harmonie des objectifs est la représentation du principe d’équilibre. Elle permet la concentration des ressources et des énergies individuelles vers des objectifs cohérents. Cette concentration des efforts est le reflet dela Saine Gestion.

 4.4.10             DIRECTION ET EFFICIENCE

4.4.10 (1)        L’administrateur doit utiliser d’une façon rationnelle les moyens et les ressources afin d’atteindre un rendement optimal en fonction des objectifs visés.

4.4.10 (2)        L’administrateur doit dresser un schéma de priorités dans les objectifs qui découlent de la mission de l’organisation. (28-04-1998)

4.4.10 (3)        L’administrateur doit faire usage des moyens et ressources uniquement pour l’atteinte des objectifs planifiés et pour l’accomplissement de la mission de l’organisation.

 4.4.10 (4)        L’administrateur doit exercer un choix en adoptant des moyens efficaces, c’est-à-dire appropriés aux objectifs, à une utilisation minimale mais suffisante des ressources disponibles. (28-04-1998)

 Bon, il en reste 350 autres articles des PSGGR  du même genre. Je pourrais vous les énumérer toutes parce quelles s’appliquent également à ma pensée du jour :

 Non ! Les ponts ne tombent pas par hasard.

 _____________

(1)   Les cône-ries orange : Propension managériale à placer des avertissements de danger de couleur orange à l’approche de travaux routiers appréhendés, quelques fois présents, surtout passés et espérons futurs, dans le but principal de démontrer qu’il vaut mieux prendre le transport en commun. La coordination des activités ne fait évidemment pas partie de l’obligation des gestionnaires de la région de Montréal.


4 commentaires

par David le 08/23/2011

Mr. Brault,

L’intérêt personnel des politiciens et des fonctionnaires ne disparaît pas, même si ceux-ci travaillent pour le gouvernement ! La plupart ne travaillent pas pour le « bien commun », mais pour leurs propres intérêts. La nature humaine est la même partout.

On le voit lorsqu’un caporal de police monopolise les ressources limitées de son département pour régler une vengeance personnelle. Quand un commissaire manipule les statistiques sur la criminalité pour faire avancer sa carrière. Quand des candidats à la mairie rivalisent d’hypocrisie et de manœuvres douteuses pour gagner le vote de groupes de citoyens.

Merci de montrer comment la saine gestion peut retenir les élans pernicieux de la nature humaine…

David

par Bernard Brault le 08/23/2011

David,

Votre question est la bonne. Parce que le courant de réflexion actuel cherche une solution par l’éthique.

Saine Gestion est une approche matricielle à élément fini combinant fonctions de gestion et principes de Saine Gestion. Ces derniers ont une valeur éthique appliquée à la relation mandant-mandataire, mais ce n’est pas un code éthique. Il n’y a pas de morale du bien et du mal en gestion. La question est la confiance, pas la morale vertueuse. L’approche systématique de Saine Gestion laisse moins de possibilités de contourner le système. Une gestion molle et flasque ouvre plus facilement la porte à la malversation et à la corruption. La gouvernance se drape pourtant encore dans une recherche éthique qui ne vise finalement qu’à justifier ses propres actes. Un simple code d’éthique n’est pas la solution parce qu’il ne changera pas la nature humaine. Cependant on peut encadrer le comportement humain lorsque des actes ADMINISTRATIFS sont posés.

Même imparfait le code de la route trace des lignes à ne pas dépasser, faites-le disparaître et remplacez-le par un code éthique…. juste pour rire ! Je répondrai davantage à votre propos dans le prochain article à sortir cette semaine : Conjuguer gouvernance et éthique : la quadrature du cercle ?

par Claire-Emmanuelle le 08/24/2011

Wow, enfin une explication vraiment comprenable sur les codes d’éthiques si populaire mais si mal compris!

Donc si je comprend bien, le code d’éthique de la route dirait:

- Il est suggérer de rouler à une vitesse raisonnable

Et le code de saine gestion de la route dirait:

- La vitesse maximale est 100 km/h

Est-ce que j’ai bien compris? Si oui, pourquoi alors tout le monde « trippe » sur les codes d’éthiques? Ça veut franchement rien dire et tout dire en même temps!

Claire-Emmanuelle

par Bernard Brault le 08/24/2011

Claire-Emmanuelle,

Bien compris, Dans la même veine, l’article de demain complétera cette explication….. j’attends vos commentaires

Merci.

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