L’abnégation du Leader : Une valeur véhiculée aussi par la Caisse de dépôt et de placement !

Écrit par Bernard Brault le 06/01/2012

L’Institut de Saine Gestion a pour mission de proposer le modèle et les principes de Saine Gestion. Lorsqu’une organisation au Canada ou à l’étranger applique certaines valeurs véhiculées par le concept que nous proposons ou s’en inspire, il nous fait plaisir de le souligner et de le signaler à nos membres et lecteurs. Cette fois il est notable que la Caisse de dépôt et de placement du Québec ait associé la notion d’abnégation à celle de la sacro-sainte image du leadership.

Une étude faite en 2011

Dans une étude publiée récemment et commandée par la Caisse de dépôt et de placement du Québec,  la place de l’Abnégation, l’un des six principes fondamentaux de Saine Gestion de l’OAAQ, s’est vue associer aux actes posés par la gouvernance. Publiée sous le nom de L’Entreprise transnationale, Développez l’ADN de la réussite à l’étranger, cette étude fait l’éloge, entre autres, de certaines qualités et habiletés essentielles des leaders voulant oeuvrer sur le plan international. (1)

De l’abnégation 

De façon générale, l’abnégation se définit comme une valeur qui fait en sorte d’éviter de se placer en position de conflit d’intérêts en renonçant ou en subordonnant ses intérêts personnels en faveur de ceux de l’organisation. Ce qui est remarquable dans certains passages du document, c’est l’exemple que l’on attribue à l’absence d’abnégation et à la contradiction de cette absence avec les valeurs personnelles d’un leader dévoué au développement de son organisation sur l’échiquier mondial.

«  (…)  Imaginez un dirigeant (et actionnaire) qui délocalise massivement sa production, sans remords, dans le seul objectif d’empocher un maximum de profits à court terme. Ce comportement ne rime en rien avec le renoncement ! » (2)

De façon implicite, l’étude par cet exemple d’à propos, exprime l’incohésion malsaine qu’il y aurait entre le dévouement personnel et le risque d’agir ou de poser des actes en se plaçant en conflit d’intérêts.

Même si le document ne fait qu’une toute petite mention de la notion d’abnégation,  je crois qu’il est important de souligner le courage et l’innovation dont fait preuve ici la Caisse de dépôt en matière de leadership et de gouvernance. 

Tendance 2012 ? l’espoir est permis !

Ce n’est pas la tendance du management et de la finance à l’international. Encore récemment et de plus en plus l’on voit des sociétés agissant sur le plan international être accusées de corruption et de malversation, d’offrir des pots-de-vin et de soudoyer des fonctionnaires dans les pays dits en développement.  On aura beau soulever le principe d’Abnégation, les dirigeants de ces sociétés diront encore et toujours que ce sont les impératifs des affaires qui dictent la seule façon d’agir. La fin justifie les moyens pour ces leaders. Le risque est pourtant énorme. Demandez aux quatre-vingts sociétés et entreprises de construction québécoises qui perdront leur droit de soumissionner auprès des instances publiques.

Le principe d’Abnégation

En matière de Saine Gestion, le principe se définit plus précisément comme la

« Qualité de celui qui renonce à tout avantage ou intérêt personnel autre que ce qui lui est contractuellement ou explicitement accordé dans l’exercice de ses fonctions d’administrateur, en faveur de ceux de l’organisation. » (…) l’administrateur doit, dans l’exercice de ses fonctions, subordonner ses intérêts et se dévouer à la sauvegarde du patrimoine de l’organisation. (…) Il y a conflit potentiel ou réel lorsque les intérêts privés de l’administrateur se heurtent aux intérêts de l’organisation. (28-04-1998) (3)

Plusieurs normes viennent articuler ce principe. Mais nous pouvons retenir celle-ci :

 (…) En acceptant toute charge qui lui est confiée, l’administrateur doit évaluer l’ensemble de ses intérêts, activités et relations de façon à s’assurer que le fait pour lui d’occuper une position particulière ou de participer à une activité particulière ne le place pas en situation de conflit d’intérêt réel ou potentiel. (28-04-1998) (4) 

Et si l’Abnégation n’était pas une question de gestion saine ?

Soyons lucides quelques instants. Surtout, soyons critiques envers ce principe mal-aimé. Il rend mal à l’aise. Mal comprise et surtout à contre-courant du néolibéralisme des affaires, l’Abnégation est surtout un irritant majeur à l’égocentrisme d’une certaine gouvernance installée dans des privilèges féodaux. De toute évidence, la gouvernance n’en veut pas trop, ni les administrateurs de société et encore moins la plupart des penseurs universitaires qui ne veulent ni contrainte ni limite aux pouvoirs associés au leadership. Soyons réalistes, face au leader charismatique qui est prêt à tout promettre pour être choisi, le gestionnaire reste un « faiseux » un peu niais qui doit protéger l’image de son seigneur et qui sera récompensé pour son silence. Pour se protéger, la gouvernance crée une gestion dite « en silo ». Chacun se mêle de ses affaires. “See nothing, hear nothing and say nothing »!

Il y a aussi la montée séduisante de la droite, de plus en plus populaire, qui nous rappelle que nous devons compter que sur nous-mêmes et devons être les artisans de notre réussite. La richesse se gagne à la dure, la compassion n’a pas sa place, les forts l’emportent sur les faibles. La richesse n’est pas un droit, c’est une récompense, un privilège. Restons féodaux !

Est-ce vraiment le monde dans lequel nous voulons vivre et proposer à nos enfants ?

Il y a aussi les autres principes de Saine Gestion

L’Institut de Saine Gestion aimerait cependant rappeler que l’Abnégation n’est que l’un des six principes de Saine Gestion. Pas moins important que la Transparence, la Continuité, l’Efficience, l’Équité ou l’Équilibre, chacun des six principes ne peut être invoqué au détriment de l’application des autres principes. C’est la notion d’homéostasie du fiduciaire et du mandataire. Le véritable défi du leader, qu’il travaille à l’international ou au développement de marché intérieur, sera toujours de concilier ce paradoxe. Qui a dit que la gestion était un métier facile ?

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(1)   Deneault  Dominic,  L’ENTREPRISE TRANSNATIONALE : Développez l’ADN de la réussite à l’étranger. Une étude commandée par La Caisse de dépôt et de placement du Québec. 2011

(2)   Idem page 14 et 15

(3)   PSGGR, OAAQ : Chapitre 2, art 2.7(1) et (3)

(4)   PSGGR, OAAQ : Chapitre 2, art  2.7(6)


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