Research In Motion : Club de hockey, mauvaise gouvernance ?

Écrit par Bernard Brault le 16/07/2012

La liste noire s’allonge

Un autre fleuron de l’économie canadienne est en grave danger. Après l’effondrement de Nortel et les déboires de SNC Lavallin, c’est au tour de Research In Motion (RIM) de faire les manchettes. Pour plusieurs, c’est le naufrage annoncé. L’insubmersible RIM deviendra-t-il le Titanic des affaires canadiennes ? Le navire a pourtant des ressources. RIM n’a pas de dettes et possède des liquidités impressionnantes. Plusieurs analystes invoquent des problèmes de gouvernance ! Il est facile d’invoquer la mauvaise gestion lorsque les performances annoncées ne sont plus au rendez-vous ? Et si cette même gouvernance avait réussi à livrer les profits annoncés aux actionnaires, parlerions-nous encore de déficience de la direction ? Déficience ou mauvaise gestion. N’importe quoi !

Les mercenaires ne font pas dans la dentelle !

Dans la compréhension populaire, ce sont les résultats qui définissent la bonne gestion. Pour les actionnaires et financiers, les moyens pour y arriver importent peu. Les ex-présidents de Nortel et de SNC Lavalin ont eu pour le moins les coudées franches pour faire la sale job des investisseurs. Quand on choisit des mercenaires pour la gouvernance, il faudrait au moins ne pas s’offusquer s’ils ne font pas dans la dentelle.  

Club de Hockey : distraction de la direction du fabricant du BlackBerry® ?

La chronique de Jean-Paul Gagné du 7 juillet (Journal Les Affaires) invoque en effet une mauvaise gouvernance pour expliquer les déboires du fabricant du BlackBerry. Simplement, il explique la gouvernance déficiente de RIM par des choix stratégiques et des distractions de la haute direction par d’autres intérêts. Qui a dit que « s’intéresser à d’autres investissements (tel que le hockey) était une distraction qu’aucun chef de la direction ne pouvait se permettre » ? C’est pourtant ce que le journal Les Affaires semble affirmer pour démontrer une mauvaise gouvernance. Tout et n’importe quoi peut expliquer la mauvaise gestion. L’étiquette de la mauvaise gestion est-elle une panacée, une excuse universelle, pour expliquer le risque des affaires ?

Les dirigeants de Molson, de Bell et de Quebecor sont distraits, ou ont été distraits, eux aussi par le hockey? Sont-ils tous de mauvais gestionnaires pour autant ? 

Problème de gouvernance

Cela ne veut pas dire que RIM ne souffre d’aucun problème de gouvernance, mais la nature ou le choix des décisions stratégiques n’est pas un critère de mauvaise gestion. Prendre une mauvaise décision en soi n’est pas de la mauvaise gestion, c’est le risque des affaires !

Par contre, en matière de Saine Gestion, c’est le respect des règles encadrant le processus de décision, les règles de prudence, de précaution, d’évaluation du risque, de consultation et de recul qui déterminent la Saine Gestion. Et personne ne pose de questions.

Bonne ou mauvaise gouvernance, là est toute la question.

Souvent posée, elle a peu de réponses. L’ISG propose pourtant, avec le modèle de Saine Gestion, une approche pragmatique pour encadrer et définir ce qu’est une Saine Gestion ou une Saine Gouvernance. Le fait de définir précisément les actes qui seraient conformes ou non-conformes à un référentiel de principes et normes (PSGGR) enlève l’aspect émotif et la subjectivité qu’apportent la déception et la vengeance.

Le risque est inhérent à la prise de décision

Dans la mesure où la prise de décision s’apparente plus à un art qu’à une science, le processus décisionnel doit suivre une démarche par laquelle l’administrateur doit, pour être prudent, procéder à une évaluation de risque. Les PSGGR expriment ces notions de risque et de prudence aux articles suivants : 

4.4.4(1) Le risque est inhérent à la prise de décision. Il se mesure par le niveau de conséquences négatives que peut engendrer une décision sur l’ensemble de l’entreprise ou de l’organisation.

4.4.5(1) La prudence est la contrepartie au risque que prend l’administrateur dans son processus de prise de décision. La prudence a pour objet la protection du patrimoine.

De ces deux notions de risque et de prudence, se dégage une norme importante :

4.4.11(2) L’administrateur-dirigeant conscient du principe fondamental d’équilibre doit mesurer les conséquences de ses actes sur la survie de l’organisation. Le juste équilibre entre risque et prudence assure la Saine Gestion des opérations d’une entreprise ou d’une organisation.

Voilà la principale question qu’il faut se poser avant que la gouvernance de nos fleurons et bluechip boursier ne jouent le pactole de nos fonds de pension au casino de la finance. 

Bonne gestion ou Saine Gestion

Qu’entendons-nous par bien gérer? À première vue, il pourrait y avoir confusion dans les termes. La bonne gestion est généralement entendue dans le sens du bon gestionnaire qui gère bien, avec du gros bon sens. Bien gérer et mal gérer, dans son expression négative, est une notion subjective qui évolue avec les époques, les tendances philosophiques et sociales des écoles de gestion, sans compter les modes lancées au hasard des publicités de certains services ou de pratiques professionnelles.

Constat : La gouvernance n’a pas envie de jouer au bon père de famille !

Gérer en bon père de famille ou en personne raisonnable et prudente ? D’abord cela fait ringard et ça n’existe plus dans notre société moderniste. Les actionnaires et les financiers ont besoin de croissance illimitée, d’argent tout de suite, demain nous serons tous morts. Alors au plus fort la poche.

Gouvernance fiduciaire

La Saine Gestion fait appel à cette notion de gouvernance ou de gestion « fiduciaire ». Ce mot vient du latin fiducia qui veut dire « confiance ». Un fiduciaire est celui qui est chargé de gérer ou de détenir des biens qui lui sont confiés. Cette position de fiduciaire (ou de quasi-fiduciaire au sens juridique) caractérise celle de tout gestionnaire qui gère le patrimoine d’une organisation.

Le terme Saine Gestion fait alors référence à une pratique professionnelle exercée ou pratiquée en conformité avec les obligations légales des administrateurs et les valeurs éthiques de probité et d’intégrité. Le concept de Saine Gestion fait appel aux aspects immuables de la probité, au respect des ressources confiées et à leur profitabilité, à l’honnêteté et au respect des lois et des tribunaux d’une société démocratique, un tant soit peu civilisée.

Objet de Saine Gestion

La Saine Gestion a un objectif de rigueur, de comparabilité et d’évaluation des actes administratifs. Cet objectif se veut la base de la confiance envers tous ceux qui confient des ressources à des gestionnaires.

 


2 commentaires

par Jean-richard Charbonneau le 07/18/2012

Quel article intéressant, mais surtout rafraîchissant et qui remet les choses perspectives! Finalement quelqu’un qui n’a pas peur d’affirmer que l’on ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs. La distinction que vous apportez entre gouvernance, gestion et fiducie mériterait d’être appliquée par plusieurs gestionnaires trop souvent surpayés.

par Bernard Brault le 09/12/2012

merci

Commentez cet article


Veuillez remplir tous les champs Envoyer

Avertissez-moi lorsqu’un commentaire est publié à propos de cet article.


Ou alors, abonnez-vous au suivi des commentaires pour cet article sans le commenter.