Budget Marceau : Québec 2012, un contrat de Saine Gestion ?

Écrit par Bernard Brault le 21/11/2012

Objectif : déficit zéro en 2014

Il fallait conserver la confiance des marchés financiers et ne pas précipiter les Québécois dans de nouvelles élections; il fallait surtout faire des choix responsables avec une marge de manœuvre presque inexistante. Mais le gouvernement devra contrôler ses dépenses. Souhaitons que le ministre Marceau ne se casse pas les dents sur la bureaucratie comme ses prédécesseurs.

Première analyse1

Le premier budget du Parti Québécois et du ministre Marceau sera un budget sous influence de la Continuité, de l’Équilibre et de l’Efficience. Le gouvernement minoritaire de Mme Marois aura su ménager la chèvre et le chou, tout en demeurant responsable devant des finances publiques dangereusement fragilisées par les ressacs d’une crise économique mondiale qui n’en finit plus de finir.

Une presque quadrature du cercle, à couper le souffle aux deux partis d’opposition. Pas grand à chose à redire à part de déchirer sa chemise en public.

De façon générale, on gratte les fonds de tiroir, on creuse dans le vieux-gagné, on revisite des taxes classiques : tabac, vin et spiritueux. On paye un peu la dette avec le fonds des générations, il faut aussi plaire aux agences de cotation, sans quoi chaque point perdu en décote coûtera 500 millions.

À la guerre comme à la guerre, il faut augmenter les revenus, après tout, ça ne tuera pas personne avec 3 ¢ par bière, 17 ¢  pour le vin et 26 ¢ pour l’alcool. On découvre aussi dans ces tiroirs (ironie),  des ressources oubliées, un bloc patrimonial (tarif d’électricité) qui pourra maintenant s’indexer selon l’inflation.

Le beurre et l’argent du beurre !

Un gouvernement minoritaire ne peut pas satisfaire entièrement ses électeurs; le compromis est nécessaire et découle du jeu de la démocratie. Reprocher à un gouvernement minoritaire de ne pas remplir ses promesses dans un premier budget est une utopie. La démocratie en a décidé autrement. Le ministre devait alors tenir compte d’éléments qui sont bien au-delà de la partisanerie et de l’idéologie politique.

Évidemment, il y a des perdants. Les travailleurs de plus de 65 ans perdent un crédit progressif important, il devait atteindre graduellement 10 000 $, il sera maintenu à 3 000 $. Les familles payeront un peu plus pour le chauffage électrique. Mais il y a surtout la classe plus aisée au Québec qui passe à la casserole. En frôlant dangereusement le taux de 50 % (49,97 %), le gouvernement du Parti Québécois titille le point critique d’imposition au-delà duquel un plus grand nombre de gens sont tentés par l’évasion fiscale et les stratagèmes douteux.

Au grand dam des partis à gauche, au soulagement des partis plus à droite, la rétroactivité d’impôt et l’augmentation du taux d’inclusion du gain en capital passeront aux oubliettes, disons pour l’instant.

Finalement, les stimulations économiques pour les bio-pharmas seront-elles suffisantes ? Ils ont déjà commencé à quitter le navire, les avantages de la règle de protection de 15 ans ne les intéressant même plus !

Le véritable enjeu de ce budget demeure le contrôle des dépenses de la machine bureaucratique de l’État, la lutte contre la malversation, l’évasion fiscale et le contrôle absolu des dépenses d’infrastructures. Dur, dur, le métier de gouvernant.

Vers une gestion plus saine des affaires de l’État ?

Sur certains aspects de compression des dépenses, le premier budget Marceau s’inspire sur cet aspect du budget fédéral de Flahorty. Que la bureaucratie soit à contribution, sans que monsieur-tout-le-monde passe à la casserole, est conforme, de façon générale, aux principes d’équilibre et d’efficience.

Le Fédéral s’est attaqué, en début d’année 2012, à la fonction publique dans ses aspects les plus détestables, ceux de la bureaucratie gérant des programmes devenus inutiles, englués dans un lit de privilèges confortables, de pensions démentielles et aux dérapages endémiques de non-responsabilité et d’anti-efficacité.

Mais ce n’est pas la première fois que l’on fait des promesses de coupure dans la machine de l’État. Le budget Bachand de 2011 a fait porter une partie du fardeau de rationalisation.  Il n’a peut-être pas eu le temps de mener à bien sa croisade !

Maintenant, est-ce qu’un gouvernement minoritaire pourrait questionner sérieusement l’efficience de la très puissance bureaucratie ministérielle et la gouvernance des sociétés d’État dont la très puissante Hydro-Québec ?

On entend par Efficience le principe qui intègre les aspects de l’efficacité et de l’économie des ressources limitées. Ce principe est donc un principe hybride qui touche à la fois le concept de résultat, c’est-à-dire les attentes et la réalisation de la mission, mais aussi l’économie des moyens2.

Encore cette résiliente bureaucratie !

Comme je l’ai exprimé à maintes reprises et en particulier dans mes articles du 27 mars et du 12 décembre 2010, « de toutes les organisations créées par l’homme, tout système politique confondu, celle qui a la plus grande capacité de survie et de résilience aux changements qui ne lui est pas favorable est sans contredit la bureaucratie… gouvernementale ».

Couper dans des programmes et mettre à pied des employés d’État qui ont peu d’impact sur les services directs à la population est une chose, les Conservateurs l’ont fait, mais s’attaquer à la gestion, aux attitudes, aux processus des programmes de service de la santé et de l’éducation, agence de santé et commission scolaire est une autre chose.

Cette bureaucratie a son propre langage de gestion, ces propres règles éthiques et est capable de se régénérer, d’augmenter ses effectifs décisionnels et surtout de faire face à n’importe quel pouvoir démocratique externe qui pourrait remettre en question sa continuité. Ajoutons un peu d’aide syndicale et politique et la machine devient complètement débridée.

Phénomène bureaucratique

On fait semblant, mais on le savait. Ça s’appelle le phénomène bureaucratique. Cela fait longtemps que tous les étudiants en gestion, en sciences politiques et en droit étudient ce phénomène avec des auteurs aussi connus que Crozier3 et Etzioni4, qui ont largement tapissé notre imaginaire et nos bibliothèques.

Infuser un peu de changement et plus de Saine Gestion dans la fonction publique ?

Individuellement, je crois que les fonctionnaires sont des professionnels honnêtes qui, en général, ont à cœur de servir la population et d’accomplir leurs tâches. Le problème est lorsqu’ils œuvrent collectivement dans un système dans lequel ils ne voient ni les intrants ni la finalité de leurs tâches. Ils se perdent dans une machine infernale qu’ils ne contrôlent plus eux-mêmes, où plus personne ne veut prendre de décisions et encore moins la responsabilité des dérapages et des erreurs. Mot d’ordre : « tous aux abris » et survivre jusqu’à leur pension dans l’infernale machine.

Gérer le changement ?

En 1962, Michel Crozier écrivait5 « pour qu’il y ait changement réel, pour que la bureaucratie disparaisse ou au moins s’atténue, il faut donc que les hommes acquièrent des capacités nouvelles : capacités individuelles de faire face aux tensions, capacité collective d’organiser et de maintenir des jeux (note : comprendre jeux de rôle) fondés sur peu d’échanges et moyens de défense ».

Le cadre de Saine Gestion que propose l’ISG offre un modèle de gestion qui pourrait largement s’adapter à des structures complexes, à des délégations de pouvoir, à du contrôle, à la vérification générale, à une obligation de résultat et à une reddition de comptes de la part des professionnels dirigeants de la fonction publique.

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Note 1 : Analyse de Saine Gestion : L’approche de Saine Gestion, nous l’avons dit, n’est influencée par aucun l’idéologie politique. Saine Gestion relève des actes posés dans le cadre de la mission et de la position de mandataire. L’idéologie politique, qu’elle soit plus à gauche ou plus à droite ou « plus ou moins à gauche ou à droite », est indépendante de l’application des principes de Transparence, Continuité, Efficience, Équilibre, Équité et Abnégation.

Note 2 : L’EFFICIENCE, à l’article 2.4-1 des PSGGR, est définie comme suit : (…) Qualité qui allie les caractères d’efficacité, c’est-à-dire l’atteinte des résultats et d’économie des ressources dans l’acte administratif. L’administrateur est efficient s’il obtient un rendement optimal tout en maintenant une utilisation minimale des ressources.

Note 3  : CROZIER Michel, Le phénomène bureaucratique. Éditions du Seuil, Paris 1963, p.11

Note 4 :  ETZIONI Amitai, Les organisation modernes. Éditions J.Duculot, Gembloux 1971.

Note 5 :  CROZIER Michel, op. cit p.11


5 commentaires

par Claude le 11/23/2012

Un budget est un budget. Il y a certains bloguistes qui sont totalement déchaînes (Journal de Montréal ) Vous semblez (NDW) être à l’aise avec la démarche péquiste !

par Bernard Brault le 11/23/2012

Comme je le dis dans mon blogue de ce jour, l’ISG n’a pas pas le monopole de la vérité, bien sûr. Mais nous avons l’avantage d’être neutre et de proposer quelque chose de structuré et d’organisé pour en faire l’analyse, au lieu d’un discours vide de sens et de promesse strictement faite pour leurrer.

Le PQ n’as pas été porté au pouvoir de façon majoritaire. Démocratie oblige. Il en a été de même pour Harper et pour Charest à un certain moment. Il y a des limites à déblatérer et à déchirer sa chemise sur la place publique et à jouer la gauche contre la droite à outrance chaque fois qu’un politicien tente de gérer au centre et en consensus.

Nous, ce n’est pas notre mandat de prendre position. La Saine Gestion n’est ni de gauche ni de droite. La neutralité d’opinion est beaucoup moins sexée, donc moins populiste.

par Ginette Bouffard le 11/23/2012

Quel budget! que des augmentations de taxes pour la classe moyenne. Comme je ne connais pas grand chose je crois qu’il n’y a rien de neuf et même pas un pas pour réduire les dépenses du gouvernement: tel que le bénéfices marginaux etc, ceux qui sont retraité du gouvernement qui travaille à contrat et gagne de l’argent tout en recevant leur pleine pension et beaucoup plus. Comme je suis travailleuse automne je ne vois rien
pour moi dans ce budget , aucune protection, aucuns bénéfices rien d’intéressant pour tous ces travailleurs qui finalement font partis de la classe des debrouillards.

par landry le 11/23/2012

Je suis parfaitement d’accord avec Bernard; le peuple a parlé, il faut vivre avec, et aussi avec les largesses faites au nom des contribuables….mais sans leur avis, par le gouvernement précédent….
Bravo M Marceau, on ne touche pas aux ministères qui tiennent un peuple en vie: l,éducation et la santé, ET LA CULTURE, malgré l’énormité des sommes en cause.

par PC le 12/12/2012

Sainement gérer ne veux pas dire faire plaisir à tout le monde

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