SNC-LAVALIN : Pourquoi s’offusquer ?

Écrit par Bernard Brault le 06/12/2012

L’éthique à géométrie variable des affaires !

SNC-LAVALIN ne serait pas différente des autres sociétés qui œuvrent à l’international et dans des coins reculés de cette planète où les commissions secrètes (mot plus élégant que pot-de-vin) seraient à l’état endémique et aussi la seule façon d’obtenir des contrats importants. L’éthique des affaires n’étant pas au rendez-vous avec la compétition ! Nous apprenons aussi, en passant, que Montréal fait partie des coins reculés de cette planète ! Bon !

Si l’on en croit l’opinion de Marcel Sabourin, professeur titulaire à l’UQAM, il s’agirait d’un clash culturel entre les pratiques anglo-saxonnes et la notion de nécessité de verser des commissions auprès de dirigeants de pays de culture issue du colonialisme français. Dans La Presse du 1er décembre 2012, monsieur Sabourin exprime clairement que « Dans la majorité des pays du Maghreb, dont plusieurs sous l’influence de la France, la corruption auprès des pouvoirs publics est une pratique d’affaires établie. » Bienvenu au banquet.

Pourquoi ne pas rendre les pots-de-vin simplement légaux ?

Par conséquent, le monde anglo-saxon doit, semble-t-il, s’adapter pour rivaliser sur le plan commercial. If you can’t beat them, joint them ! Devons-nous changer aussi la législation canadienne ? Et seulement lorsque nous ferons des affaires avec les pays francophones ?

Nécessité faisant loi, ironiquement, il s’agirait simplement au Canada, d’insérer un nouveau poste comptable appelé pot-de-vin et autres malversations nécessaires aux affaires, et de changer la législation pour rendre cette dépense déductible du revenu fiscal. Facile et plus jamais de magouille et de surprise pour en avoir camouflé le stratagème.

Mais, le Canada est considéré par Transparency International comme ayant un des meilleurs indices anticorruption au monde. Horribilis causa ! Donc, la solution suggérée est encore l’omerta, ce silence hypocrite, complice et mafieux.

Dans l’affaire des commissions secrètes de SNC-Lavalin, ce sera l’ex-président qui en sera la victime. Cela prenait un mercenaire pour faire la « job ». Bien payé mais largué et seul devant la justice canadienne.

À tous les conseils d’administration et autres gouvernants qui aimeraient une latitude éthique plus grande pour faire face à la compétition internationale et pour payer des commissions spéciales entre autres,

pourquoi croyez-vous que les sociétés modernes ont toutes des lois et des règles anticorruption ? Seulement pour vous brimer ? 

Pratique d’affaires et le cadre de Saine Gestion (CDSG)

Le cadre de Saine Gestion de l’ISG n’empêche pas les pratiques douteuses et peut-être nécessaires aux affaires telles que les commissions secrètes. Il les encadre et les met en relief, donc il devient impossible de les dissocier des actes administratifs posés pour avoir autorisé ces pratiques d’affaires.

Par ailleurs lorsqu’une pratique illégale tolérée devient pratique courante dans une organisation, il est possible que l’on ne fasse plus la différence entre le Maghreb et Montréal.  

Vu sur cet angle, il est possible que le CDSG crée une certaine allergie à une gouvernance emprisonnée dans une mécanique de pot-de-vin liée à la survie de leur société et de leurs actions.

Vérificateurs internes et externes dans l’eau chaude !

Ce n’est assurément pas un métier facile. Le risque professionnel et déontologique doit côtoyer tous les jours la déesse Omerta et les roitelets de l’embrouille et du camouflage. Créativité comptable en quelques doubles-salti-arrières obligatoires pour éviter les pertinentes questions du fisc.

Avez-vous pensé à la difficulté de blanchir des transactions par des sociétés offshores, de créer des contrats bidons qui doivent être crédibles au fisc, de procéder à des transferts pour paiement à ces sociétés plus ou moins fictives, d’avoir des postes débiteurs qui balancent avec des postes créditeurs ? Sans compter, et là je suis un peu technique, je m’en excuse, mais vous devez savoir que le fisc canadien surveille les « paiements de transfert » entre les sociétés imposées au Canada et ses filiales (partage de l’assiette fiscale) pour s’assurer de la juste part des impôts payés au Canada. Peut-on imaginer la complexité des entourloupettes transactionnelles supervisées par une armée de fiscalistes et d’avocats aux tarifs horaires calculés en proportion ?

Coupable par complicité du laisser-faire ?

Vincent Lacroix, Enron, les sociétés d’ingénierie-conseil et les entrepreneurs lavallois et montréalais ne sont peut-être pas très différents après tout de la société SNC-Lavalin. Pourquoi sommes-nous offusqués ?

À la ligne d’arrivée, ce sont les investisseurs qui vont tramer, et cette fois-ci Jarisloswki en fera partie. Peut-être que les choses bougeront finalement.

Ne m’appelez plus jamais éthique !

Non, la gouvernance ne devrait plus jamais invoquer les mots éthique, moral ou intégrité  sans ajouter la spécification de géométrie variable. En cela, elle serait au moins honnête.


1 commentaire

par Claude le 12/10/2012

Vraiment un excellent article qui à le mérite d’être clair !

Commentez cet article


Veuillez remplir tous les champs Envoyer

Avertissez-moi lorsqu’un commentaire est publié à propos de cet article.


Ou alors, abonnez-vous au suivi des commentaires pour cet article sans le commenter.