DESSAU : L’éthique à géométrie variable.

Écrit par Bernard Brault le 22/03/2013

DESSAU, un autre fleuron du Québec inc. passe à la casserole. Son vice-président l’a bien dit : « Il fallait sauver 2000 emplois et 500 investisseurs ». L’appât du gain rend l’homme sans foi ni loi.  Frauder, voler l’état et la population ne lui a même pas traversé l’esprit. Tout ce qui comptait était de sauver sa mise. La protection conférée par le droit et celle des avocats portaient le risque à une quasi-nullité.

Mais la vraie raison : c’est la mauvaise gestion dans son sens managérial le plus exact. Continuité, court terme versus long terme, abnégation, conflit d’intérêts et pots-de-vin.

L’imprévisible se produisit

L’éthique, cette déesse, bien codée dans une déclaration pompeuse, a été tablettée. Elle n’est pas venue au secours de ses gestionnaires et ne les a pas empêchés de tomber dans une dérive effroyable qui entache maintenant et sérieusement la pérennité de la société DESSAU (principe de continuité).

Reconstruire la probité ?

Le carnage se poursuit. Le massacre à la scie ne fait que commencer. La commission Charbonneau vient de voir prolonger son mandat de 18 mois. Les ingénieurs seront bientôt radiés en grand volume de leur ordre professionnel. Les comptables et avocats seront peut-être aussi ébranlés, sans doute grâce à leur code de déontologie. À ce rythme exponentiel, il doit y avoir des centaines, voire des milliers de crapules terrées dans leurs trous, espérant encore ne pas être ramassées par la débâcle.

Il faudra construire des prisons, type hôtel de fin de semaine, pour accueillir bientôt un raz-de-marée de crapules, d’embrouilleurs ignobles et de profiteurs hideux devant se repentir à l’ombre des barreaux.

Stratagème et complicité managériale

Même Arsène Lupin avait besoin de comparses ! Un système ne peut pas être la responsabilité d’un seul dirigeant. Les actionnaires, les membres du conseil d’administration, les cadres, les comptables, les vérificateurs externes et les conseillers juridiques ont tous une part de responsabilité.  Il faut beaucoup de complices pour fignoler un stratagème fonctionnel et discret pour la collusion et les pots-de-vin. Sur le plan éthique, le personnage de Maurice Leblanc volait les riches, mais voler le peuple ?

Dessau, SNC Lavalin et cie…..

À grande échelle, le retrait bancaire d’argent liquide est suspect. Il faut donc s’entendre (avocat) avec une société bidon (nécessite aussi un juriste) pour que cette société émette une facture de complaisance (agent de bureau) en retour de laquelle un paiement bidon de la société payeuse (comptable) puisse recevoir en échange un montant d’argent liquide (l’homme à la valise) escompté d’une ristourne pour le payeur (agent de blanchiment d’argent). Ces fausses factures permettent d’éluder l’impôt parce que déduites des revenus (fiscalistes). Personne ne posera de question en quoi une société bidon située à Kahnawake puisse avoir des transactions de sous-traitance de plusieurs millions de dollars par année (vérificateurs comptables) avec une firme d’ingénieur de génie civil.  Le conseil d’administration, n’étant intéressé que par les résultats, ne pose évidement aucune question sur la prévention et sur leur cadre de gouvernance troué d’incohérences (administrateurs de sociétés). Ils ont un code d’éthique bien sûr (juriste). Il y a aussi les sommes et récompenses à verser (fonctionnaires), les menaces cachées (collecteurs politiques), d’autres enveloppes brunes à livrer (autre homme à la valise). Il y a les soumissions gonflées à produire et à signer (ingénieurs), les chantiers à surveiller (techniciens, gestionnaires et ingénieurs subalternes), et les collecteurs de la mafia à rencontrer et à payer en liquide (gros-bras à tatoues).

Mais personne ne sait ni ne fait rien. À qui profite le crime ?

Retour à la base des sciences de la gestion

Les sciences du management, savez-vous que cela existe ? Le droit, la comptabilité et l’ingénierie n’entrainent pas automatiquement une connaissance en management. Ceux qui croient que la gestion est une science infuse et de droit divin devraient d’abord lire les 600 premières pages du «Management » d’Henry Mintzberg.

Fondamentalement, l’approche classique peut être étirée dans tous les sens mais la gestion au quotidien consiste encore à poser des gestes (décider) par des actions ou des inactions qui manifestent la volonté d’organiser, de coordonner, de planifier et de contrôler les activités d’une organisation.

Désolé, mais gérer, c’est encore gérer. Thierry Pauchant associe ce travail à la préparation du pain. Le travail de gestionnaire est comme celui du boulanger qui doit, par l’exercice de son art, pétrir la pâte, la retourner encore et encore puis recommencer chaque jour.

« Think Big » : gouverner c’est bien mieux !

Cette apparente banalité, cette platitude débilitante et une attitude condescendante devant le mot gestion, a entraîné une explosion d’égo(s) professionnel(s), qui s’est vu préféré, plus récemment, au terme gouverner, littéralement emprunté aux sciences politiques et aux écoles de leadership.

L’envergure du terme gouverner, la grandeur de l’image iconique, l’association aux stratégies militaires,  l’appel à une forme de testostérone guerrière et écrasante ont finalement formé davantage de  prédateurs que de gestionnaires et de décideurs efficaces et dévoués.

S’il vous plait, ne laissez pas le décideur seul, il lui faut un cadre pour exprimer son pouvoir, bien sûr, mais surtout un cadre pour exercer une saine gestion et pour offrir une véritable reddition de comptes.

Ah oui ! J’allais oublier. Juristes, n’écoutez pas ce qui suit. L’acte de gestion doit être assujetti à des principes de gestion saine. Chut… taisez-vous ! Mais transparence, continuité, efficience, équilibre, équité et la honteuse abnégation devraient s’associer aux actes du management. À bon entendeur, salut !


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