Faire de la gestion d’une municipalité, une gouvernance redevable et responsable.

Écrit par Bernard Brault le 10/06/2013

Vers une forme de vérification non comptable de la gestion ?

Les travaux de la commission Charbonneau révèlent un peu plus chaque jour un système de collusion d’un niveau qui dépasse toutes les appréhensions et les pires scénarios envisagés il y a à peine 18 mois.

Les stratagèmes apparaissent d’une telle ampleur qu’il est à se demander si les méthodes de vérifications comptables et les pratiques courantes de prévention et d’encadrement pourront se renouveler suffisamment pour éradiquer ou même limiter cette gangrène qui menace la confiance envers la démocratie.

Cette crise touche plusieurs aspects de la société et ne pourra pas être réglée par un coup de baguette magique. Je soupçonne que plusieurs politiciens, organisateurs et rois de l’embrouille, gestionnaires à l’éthique douteuse dorment avec une énorme épée attachée au dessus de leur tête, un peu comme  Damoclès. La peur est le début de la sagesse… dit-on ! Je crois plutôt qu’ils attendent la fin de la tempête, pour replonger dans la boîte à bonbons.

La collusion dans le but de commettre un crime est une activité secrète, le silence et la discrétion sont de rigueur. La noirceur et le laxisme de la gestion en  favorise la croissance. Les stratagèmes mis à jour démontrent l’implication de plusieurs personnes voir des centaines qui avaient tous un rôle plus ou moins volontaire et accessoire dans le système.

1)    Le développement de règles et de processus qui ne pourront pas être vérifiés sur des faits probants ne feront qu’engorger et ralentir la reddition de compte.

L’imputabilité et la responsabilité doivent-elles porter sur le processus ou sur l’acte administratif ?  Nous croyons que l’audit de la gestion d’une municipalité serait mieux ciblé par l’examen de la conformité des actes administratifs posés en relation avec le cadre matriciel du modèle de Saine Gestion.

 

Sommes-nous prêts pour auditer la gestion ?

L’état de l’art, tel qu’enseigné dans les écoles de gestion, ne facilite pas,  pour ne pas dire limite sérieusement, toute vérification de la gestion ou de la gouvernance. La reddition de compte y est un concept vague, voir philosophique ou éthique, par conséquent peu structuré qui favorise une sorte de confusion dilatoire et échappatoire.

Citer Henry Mintzberg, Peter Drucker, Herbert  Simon, Omar Aktouf et Thierry Pauchant, pour parler de gestion, c’est automatiquement aduler le leadership et le stratégique, implorer la complexité du quotidien décisionnel,  l’imprévisibilité du facteur humain et son caractère erratique, sans oublier l’indéniable appât du gain et cette quête d’un sens, s’il en est un, à simplement passer sa vie à s’éreinter dans une organisation.

2)    Il en ressort principalement une impression de recherche d’excuses scientifiquement constatées pour expliquer ce que conclut symboliquement Mintzberg « Une société devenue ingérable comme résultat du management »(1)

Je ne crois pas qu’avec une telle philosophie il sera possible de créer une véritable profession de gestionnaires et d’en réclamer une approche de type autoréglementaire.

L’audit comptable comme panacée ?

Le succès ou l’échec de la gouvernance se fonde principalement sur les résultats concrets et quantitatifs. Les moyens que prennent les gestionnaires pour atteindre ces objectif quantitatifs sont peu scrutés, rarement mesurables et tombent dans le domaine de l’éthique personnelle.

3)    L’échec du management c’est la victoire des cancrelats et des rois de l’embrouille, pour la malversation et la corruption à grande échelle.

Gérer, est-ce une profession ?

Il y a bien l’OAAQ qui a tenté à la fin des années 1990 d’établir quelques balises, mais elles demeurent noyées encore aujourd’hui dans un océan d’indifférence. À lui seul le principe de Transparence posait à l’époque un inconfort auprès de la gouvernance des sociétés publiques et privées.

Des dirigeants sérieux expliquaient alors que dans les faits ils avaient eu recours, au cours de leurs carrières, à une certaine forme de divulgation sélective  d’informations envers leur mandant, leurs conseils d’administration ou leurs présidents pour ne pas les rendre vulnérables sur le plan médiatique !

Aveuglement sélectif et volontaire

Maintenant, avec les scandales des Villes de Montréal et de Laval, et des sociétés, SNC Lavalin, Dessau, nous pouvons comprendre la réticence à une autorégulation de la profession de la gestion basée sur des principes de Saine Gestion, dont celui de la Transparence.

4)    Encore aujourd’hui, la protection de la gouvernance passe par une certaine forme d’aveuglement sélectif et volontaire.    

                                           

                                                    La résistance à un audit sera colossale !

Saine Gestion, une approche intégrée

Compte tenu de l’état inexistant de l’encadrement de la gestion, la profession de gestionnaire à proprement parler n’existe pas. Pour plusieurs, la gestion est une activité accessoire aux professions d’ingénieurs et de juriste. Si les règles de l’art de la profession ne sont pas colligées et organisées de tel sorte qu’elles puissent être vérifiées par une analyse factuelle, il sera virtuellement impossible de procéder à un audit portant sur les actes administratifs.

Hors du droit point de salut !

La complexité de la loi ne favorise pas la reddition de compte. Gardez le silence et niez tout ! Il faudrait peut-être sortir des paradigmes classiques, pour que la loi encadre l’acte administratif dans son processus décisionnel.

En matière de gouvernance et de gestion, Gilles Paquet, professeur émérite à l’université d’Ottawa explique que « le droit est comme la taupe, aveugle et obstiné, aveugle parce qu’obstiné à réduire le juste au juridique » (2). Demander au gouvernement de réguler tout, incluant la gouvernance par le seul droit est devenu impossible. Selon Gilles Paquet, « l’État a perdu le monopole du droit (3) ». Il utilise le terme « orthopédique » pour exprimer le rôle de prévention des difformités inacceptables que joue le législateur. C’est en ce sens que nous disons que la solution de la taupe juridique est minimaliste.

Des organismes indépendants, tels que l’OAAQ et l’Institut de Saine Gestion peuvent et devraient pouvoir jouer leur rôle de régulateur auxiliaire pour définir et préciser ce qu’est une Saine Gestion.

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(1) Voyage au centre des organisations.  Chapitre 17

(2) Gilles Paquet « Gouvernance. Mode d’emploi. »  Liber, 2009 p. 334

(3) Gilles Paquet « Le droit à l’épreuve de la gouvernance » dans Gouvernance : une invitation à la subversion, Montréal, Liber, 2005, chap. 3.


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