Transparence : La Gouvernance au pilori ?

Écrit par Bernard Brault le 13/06/2014

Briser la loi du silence et l’amnésie des gouvernants !

Imaginez, l’application d’un principe qui rendrait la gouvernance publique et privée responsable de ne pas savoir ou de ne par avoir su. Cette immunité, n’est-ce pas justement la véritable source de cette amnésie chronique et de cet aveuglement volontaire ?

Pourtant la promesse de transparence est la promesse sans doute la plus utilisée par la gouvernance

La transparence serait-elle une maladie cachée honteuse de la gouvernance ?

Encore de beaux exemples de transactions et de financement douteux en argent comptant que nous rappelle Radio Canada par le reportage d’Alain Gravel du 11 juin 2014. Ce n’est peut-être plus tellement contemporain, mais c’est encore pertinent, ne croyez-vous pas ?

Dans les années 1950 à 1990, Jean-Yves Lortie a été organisateur politique lors de plusieurs élections municipales, mais aussi pour l’Union nationale et le Parti progressiste-conservateur. Son surnom : « l’homme à la valise ». Cette mallette, presque toujours remplie d’argent, il l’avait toujours avec lui.

Jean-Yves Lortie ne garde pas de souvenirs précis des montants qu’il a transportés dans sa mallette durant les quelque 40 ans pendant lesquels il a été organisateur politique. « J’ai dépensé 15, 20 millions de dollars », souligne celui qui aimait afficher sa richesse.

Ce qui frappe, c’est que les gouvernants et leader de l’époque et ceux d’aujourd’hui ont en commun un entourage qui les libère des tâches indignes, du financement et surtout de la connaissance des sources de ces  liasses d’argent comptant qui circulent encore allègrement.

Les sbires et autres organisateurs repentants passent devant la commission Charbonneau. Les décideurs et haut dirigeants demeurent amnésiques. Ils n’ont jamais posé la question ou encore ils étaient absents pendant les réponses.

Cette fois, ils ont peut-être dépassé les bornes du pire scénario catastrophe. À croire ce que l’on entend tous les jours, ils sont tous corrompus. Ce sont les effets pervers, mais nécessaires, d’une commission d’enquête que peu de dirigeants politiques voulaient à la fin de 2009. Personne ne voulait vraiment savoir mais tous en profitaient. C’était le pouvoir tenu en porte-à-faux ou la perte de l’intégrité. Mieux valait ne pas savoir. Parlons-en de transparence !

Les sbires et porteux de valises,  les Marc-Yvant Coté et les Jean-Yves Lortie,  ont agi sans aucune culpabilité simplement parce que le système était comme ça : collusion, malversation, trafic d’influence, distribution de privilège et de cadeaux dignes des princes féodaux.

Il n’y a pas de volonté politique pour un véritable changement.

Ne soyons pas surpris si Saine Gestion n’a pas encore la cote de popularité au chapitre des principes de Gouvernance ! Diriger les sociétés privées et d’État était, et est encore associé à une récompense pour service rendu ou service à rendre ?

Amnésie ou aveuglement volontaire ?

Fermer les yeux est peut-être justement un moyen efficace. Le non-dit, cette loi du silence mafieuse, où chacun prend sa place dans l’échiquier et personne ne demande de compte à ses subalternes, permet de briser simplement le lien de transparence, ce dangereux et infecte principe de Saine Gestion. Imaginez, l’application de ce principe rendrait la gouvernance responsable de ne pas avoir chercher à savoir, ce qui est justement la véritable source de cette amnésie ou cet aveuglement volontaire ?

Toute une génération de hauts dirigeants, maintenant à la retraite plus ou moins forcée, continuent encore de défiler et surtout délirer devant la commission Charbonneau. On commence à frôler les frontières du politique et du culte de l’immunité. Difficile surtout de contrer cette pandémie de mémoire défaillante pour n’avoir rien vu ou agi directement.

Mais, tranquillement, morceau par morceau, on déconstruit leur armure. Cette forme d’autosuffisance protectrice qui apportait l’immunité et les privilèges à une classe de gouvernants qui ont simplement continué de faire ce que, de génération en génération, ils avaient appris : protéger le pouvoir. Autrement dit, il ne fallait pas mordre la main qui les nourrissait.  Heureusement, il y un aussi un vieux dicton qui rappelle, bien mal acquis ne profite jamais ! Laissons l’UPAC continuer de troubler le sommeil des vassaux et de leurs leaders riches et amnésiques.

Vers l’avenir ?

Mais la prochaine génération de dirigeants acceptera-t-elle de se soumettre au principe de Transparence ? Pas à cette fausse transparence du management, celle qui est sur toutes les lèvres depuis 10 ans, celle des politiciens, celle des récentes promesses électorales de monsieur Couillard.

Renseigner la population en démocratie est un aspect important d’une saine démocratie, mais elle a ses impératifs du pouvoir, de sécurité et de stratégie. Avec cette seule transparence, nous faisons fausse route si nous voulons briser les véritables chaînes du silence qui déforme le rôle de la gouvernance et ouvre la porte à la malversation!

Mettre le doigt sur le bobo. Là où ça fait mal !

L’exigence de la transparence, c’est celle qui vient d’en haut, celle où la gouvernance a une responsabilité, une responsabilité managériale, pas nécessairement pénale ou criminelle. Cette transparence implique que la gouvernance prenne tous les moyens jugés nécessaires pour obtenir la juste et bonne information et que les mécanismes mis en place fassent en sorte que les subalternes ne puissent agir en bouclier pour la haute direction.  Le principe de transparence en matière de Saine Gestion responsabilise le leader pour les actions conduites à son insu mais finalement à son profit.

C’est une question de culture d’organisation, de respect et d’intégrité collective. Difficile à implanter dans une organisation compétitive où les loyautés individuelles se regroupent contre le pouvoir et où les vils intérêts côtoient des individus louches prêts à vendre leur âme aux plus offrants.


8 commentaires

par Bernard Muscat le 06/20/2014

Quand on sait ce qu’est la volonté de transparence en politique on ne peut que,comme vous le faites, essayer d’aller plus « loin »..Car pour ces messieurs , c’est un calcul stratégique que de feindre la transparence cela tient purement et simplement de l’opération de communication….comme vous l’écrivez ils ont toujours autre chose à faire qu’à s’occuper de gros sous voyons; cela est l’affaire de subalternes qui travaillent pour l’élite…ce sont eux les voyous…mais elle, cette élite, …elle ne sait rien…elle ne fait rien….elle a juste à couvrir autant que faire se peut ces « braves voyous »!

Alors, il faudrait lui faire perdre toute tentation de dire : »je ne savais pas » et vous proposez, je simplifie grossièrement, une espèce de responsabilité dans laquelle on ne se demanderait pas « à qui la faute » mais « qui en a profité », que le bénéficiaire de cette faute en ait ou pas été informé…. pourquoi pas?…Le sort ainsi fait à la gouvernance ne me fera pas pleurer…! Mais je me demande plutôt jusqu’où ne pas aller trop loin? Qui accepterait dans ces conditions d’être regardé comme personnellement responsable même dans le cas où tout à fait par extraordinaire il n’y serait vraiment pour rien? N’en viendrait-on pas rapidement à un « déficit » de gouvernance, à un danger pour la Démocratie? Je ne fais que poser la question…..

par Gérard Lamour le 06/20/2014

@ Bernard Brault : excellent article. Bravo pour vos réflexions rafraîchissantes, intéressantes et, je l’espère, salutaires, car réalisables si elles sont entendues par la majorité de nos concitoyens.

Effectivement, il est plus qu’urgent que la transparence soit appliquée à la gouvernance, et ce dans tous les domaines, y compris et surtout en politique. Ça doit être une priorité absolue dans toute démocratie digne de ce nom.

En effet, ce qui se passe est un véritable déni démocratique dans la mesure où les intérêts particuliers de quelques-uns (notamment ceux des grandes entreprises et de ceux qui les soutiennent) priment sur l’intérêt commun de tous.

Même s’il y a un grand nombre de personnes qui profitent du système (une grande partie de la classe politique, certains cabinets d’avocats experts en paradis fiscaux, quelques cabinets comptables bien placés, certains ingénieurs de pratiquement toutes les firmes de génie-conseil, etc., et certains fonctionnaires corrompus ou laxistes, indifférents ou écœurés), il n’en reste pas moins vrai que c’est une profonde injustice pour tous ceux qui restent honnêtes et intègres, entre autres toutes les entreprises qui ont fait faillite faute de pouvoir obtenir des contrats et tous les professionnels, travailleurs autonomes, consultants et autres qui sont dans la misère parce qu’ils respectent la loi ou qui ont une certaine morale.

Ça contrevient même à divers articles de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de l’ONU http://www.un.org/fr/documents/udhr/ notamment le droit de vivre correctement de son métier et d’avoir une vie digne sans avoir à corrompre.

De facto, ce sont uniquement les partis politiques qui ont le plus de moyens financiers qui sont toujours élus, ceux soutenus par les riches et les puissants. Concrètement, les autres partis, qui essaient de défendre les intérêts du peuple, n’ont aucune chance de se faire élire
… s’ils n’arrivent pas à faire connaitre correctement et amplement leurs programmes auprès de l’ensemble du public, et
… si une grande partie des citoyens québécois ne prennent pas enfin conscience qu’on les manipule honteusement à leurs dépends.

par Gérard Lamour le 06/20/2014

L’idée d’arriver à briser l’aveuglement volontaire des responsables est intéressante et nécessaire. Mais je doute fort que les comportements changent avec les mentalités en vigueur en Amérique du Nord, où l’argent prime sur toute autre valeur, en particulier au Québec où on fonctionne par clans, donc par connivence implicite, dans une loi du silence quasi-mafieuse et par sous-entendus ou même sans dire un mot.

Les choses y sont bien ancrées et fort anciennes, contrairement à ce qu’on peut entendre au cours de la Commission Charbonneau ou dans les médias.

En effet, déjà dans les années 1975, on m’a appris comment les grandes entreprises étrangères pouvaient pénétrer le marché québécois, tout simplement en appliquant la seule et unique manière de faire de bonnes affaires au Québec, comme tous les gens d’affaires québécois le font, et ce dans tous les secteurs de l’économie, et non pas seulement celui de l’industrie de la construction. Bien entendu, cela ne concerne pas les petites PME et toutes les entreprises qui ne font pas d’affaires avec l’État ou l’une ou l’autre des instances publiques.

En clair, c’était tout ce que la Commission Charbonneau a pu révéler au grand jour et d’autres pratiques non encore dévoilées et difficilement « disables », car pas prouvables (connivences avec les firmes locales, connaissances au sein des partis politiques, contrats d’études bidons, double comptabilités, fausses factures, élections municipales clefs en main, dons à des hommes à valise, enveloppes brunes, etc., et montages financiers offshore). Autrement dit, tout ce que les témoins ont dit publiquement jusqu’à maintenant devant la Commission Charbonneau n’est que l’infime pointe d’un monstrueux iceberg.

Pour info, tout ce que j’ai appris il y a près de 40 ans, c’était quand je faisais mes études post-universitaires de « Spécialiste des Relations Commerciales avec l’Etranger » à l’Institut de Formation au Commerce Extérieur de Dunkerque (qui a fusionné depuis dans le groupe http://www.iscid-co.fr/ dont fait partie maintenant l’Institut Supérieur de Commerce International de Dunkerque de l’Université du Littoral Côte d’Opale).

En clair, si on me l’a enseigné en France, c’est que c’était bien connu de tout le monde dans le secret…! D’ailleurs, personnellement ou en tant que conseiller, j’ai essayé à plusieurs reprises de faire de « grandes » affaires honnêtement mais à chaque fois ça a été en vain. La seule chose que j’ai réussi à faire normalement c’est de faire de « petites » affaires avec le secteur public ou à travailler comme tout le monde avec des entreprises privées.

par P Cléroux le 06/21/2014

Apres le dernier scandale (contrat informatique), la ministre déclare: Que toutes les personnes qui sont au courant de choses doutables, devraient le déclaré. Je suis bien d’accord, mais si un fonctionnaire parle trop, il perdra son emploi ou sera boycoté a son travail, ce qui menera a sa démission.

Dernierement un jeune internaute a avisé le gouvernement 2 fois qu’il y avait une faille dans un site internet. Personne au ministere n’a cru bon de s’en occuper, alors le jeune en parle au Journal de Montréal.
Résultat, il y a des accusations criminelles de déposer contre lui.

C’est comme ca que le gouvernement encourage la délation

par Gilles Gagnon le 06/22/2014

L’histoire d.montre que beaucoup de péchés ont t commis, peu ont été avoués et encore moins ont été punis comme il se doit …
Peu importe ce qui se dira à la Commission Charbonneau, souvent un vaudeville comme toute commission du genre, ce sont les résultats qui comptent.
Les résultats sont les retombées judiciaires de «coches mal taillées» commises. C’est rarement le cas. Combien de gens ont été punis pour leurs agir «pas très catholiques» …
Parlant de catholiques, combien de religieux ont avoués leur actes pédophiles ?
Combien ont été punis à la hauteur de leur gestes ?… Leurs fautes son-elle plus répréhensibles que celles avouées (ou non) à la Commission Charbonneau ? Pourquoi ?
Par Gilles Gagnon

par Celine Couturier h.d. le 06/22/2014

Je vous cite :  »Laissons l’UPAC continuer de troubler le sommeil des vassaux et de leurs leaders riches et amnésiques. » La Commission Charbonneau est-elle un  »show » inutile très dispendieux, ou ces  »pervers et corrompus » feront-ils face à une sentence réelle?

Monsieur Couillard nous a assuré de la transparence de son gouvernement, est-ce une douce promesse, encore une autre qui ne sera pas tenue?
Par Celine Couturier, h.d.

par Gilles Gagnon le 06/23/2014

2 Bernard – Loin de moi l’idée de mélanger le tout.
Je voulais seulement démontrer que, peu importe les crimes commis, l’amnésie et la mémoire sélective sont des maladies peu exceptionnelles et fort courantes chez les personnes prises à témoigner.
OUI, cela mérite un traitement différent, l’amnésie et la mémoire sélective devant être considérée comme étant un facteur aggravant dans leur cas … et en ce sens, puni encore plus sévèrement… .
Par Gilles Gagnon

par G. Bibeau le 07/06/2014

La sagesse des gouvernants se construit à partir de celle du peuple à la condition qu’on pratique de part et d’autre la «voie et sa vertu».

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