Le code sans éthique

Écrit par René Villemure, collaborateur spécial le 28/11/2014

Les règles sont provisoires, le Bien demeure…

Le code barre contient des barres, Le code génétique contient des gènes.

Alors, pourquoi les codes d’éthique ne contiennent-ils que des normes et des règles et si peu d’éthique?

Non pas que ces éléments soient incompatibles. Il est cependant curieux de constater qu’en lisant plusieurs codes d’éthique, on est amené à convenir que l’éthique ne réside que dans le titre du code en question.

Pourquoi est-ce ainsi?

L’éthique serait-elle encore si mal connue? Ou serait-ce que l’exercice semble plus simple ainsi?

Avant de songer à rédiger un code, il est essentiel de savoir que l’éthique est une discipline réflexive. Elle est une partie de la philosophie qui a comme objectif de déterminer le sens à donner une conduite. Ainsi, aucun code ne sera valable sans la nécessaire réflexion qui doit précéder son énonciation.

Comprendre le code

  • Un code est, avant tout, un énoncé, un codex. Autrefois, il  était une tablette pour écrire. Au fil du temps, il a pris le sens d’un recueil de règles établies dans un domaine professionnel et ayant force de loi;
  • Un code sans éthique est un énoncé de règles et de normes à portée générale, sans égard à une entreprise particulière;
  • Un code d’éthique est le produit d’une réflexion portant sur l’éthique et sur les valeurs qui devront fonder le code. Celui-ci contiendra des règles qui définiront l’articulation pratique et générale de l’éthique et des valeurs;
  • Un code d’éthique de vitrine n’est que forme sans substance.

Afin d’éviter les pièges d’un code sans éthique et celui de l’éthique de vitrine, il faut être en mesure de répondre aux questions suivantes :

1. Pourquoi se doter d’un code d’éthique?

2. Souhaite-t-on un code sans éthique, un code d’éthique ou un code d’éthique de vitrine?

Pour répondre à la première question, il faut déterminer quel est le but visé par le code en question. Veut-on inspirer? Surveiller? Punir? Veut-on faire l’exercice « pour l’avoir fait »? Veut-on faire comme tout le monde? Désire-t-on un code parce que c’est à la mode? Parce qu’un régulateur l’exige?

Comme vous pouvez le constater, les buts sont nombreux et les motivations peuvent différer de manière importante. La réponse aux questions énoncées plus tôt nous amène directement à la deuxième question.

En second lieu donc, recherche-t-on un code sans éthique, un code d’éthique ou un code d’éthique de vitrine?

Même si la question peut sembler impertinente, sachez que ce n’est pas une blague…

Dans l’élaboration d’un code d’éthique, on tente trop souvent de prendre des raccourcis conceptuels. On tente de faire plus simple en évacuant la culture. En évacuant la réflexion de l’exercice au profit des règles et des normes « déjà connues ». Le code est souvent un document copié-collé sans égard au contexte de l’entreprise.

On procède à l’exercice de rédaction d’un code pour l’avoir fait ou pour remplir la commande. Et on se satisfait d’un code dont l’éthique n’est que dans le titre. Trop souvent, le produit final est un code de déontologie ou de « bonne conduite ». Il est sans réel contenu éthique. Pourquoi?

Même si l’on en parle fréquemment, l’éthique fait peur.

  • L’éthique fait peur parce qu’elle implique de faire autrement et que certains choix valent mieux que d’autres; lesquels? Pourquoi?
  • L’éthique fait peur parce qu’elle implique la réflexion. Elle sous-entend la responsabilisation, l’autonomie. Elle suppose que devant une problématique, il faudra dire « je » plutôt que « le code ……. ».
  • L’éthique fait peur parce qu’elle est un pari sur les gens plutôt que sur les règles.

Sans la nécessaire réflexion qui doit précéder son énonciation, vouloir élaborer un code d’éthique ne mènera qu’à un code de déontologie : tu dois ou tu ne dois pas. Pire encore, elle ne mènera qu’à un code sans éthique voire un code d’éthique de vitrine.

Un code sans éthique n’aura nul autre avantage : Que celui de n’être plus à faire.

Sans influencer la culture d’une organisation via un exercice réflexif, et figé dans le temps, le code ne pourra que comparer les actions des membres de l’organisation avec un passé jugé comme étant idéal.

Le code permettra de chercher la faute et de désigner un coupable. Sans plus.

Le code ne sera qu’une forme organisationnelle et administrative du paraître.

Utile mais si peu…

L’adage nous dit : « On ne change que lorsque ce qui est à venir est meilleur que ce qui est ».

Le code doit donc dépeindre un futur, un idéal, une finalité. Plutôt que de susciter la peur des membres de l’organisation, cette finalité inspirera un changement.

L’éthique est un défi qu’ont à relever ensemble employeurs et employés.

*  *  *

Lorsque tu auras désappris à espérer, je t’apprendrai à vouloir.

– Sénèque.


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