Le Plan Nord : une question de Saine Gestion ! (to be translated)

Written by Bernard Brault on 25/11/2011

Le « Plan Nord » est un projet du gouvernement du Québec lancé en mai 2011. Il s’annonce comme l’un des plus grands chantiers au point de vue social et économique en ce début de millénaire. Il se déploiera sur plus de 25 ans entraînant des investissements de plus de 80 milliards et créera près de 20 000 emplois par année. Selon le gouvernement, ce projet « sera aux prochaines décennies ce que le développement de la Manicouagan et la Baie-James aura été aux décennies 60 et 70 ».

Devant la controverse lancée par certains économistes cette semaine, je vous propose un regard différent sur les idées et les expertises de ces économistes contestataires et sur la position de la gouvernance actuelle du « Plan Nord » québécois. Personne ne détenant de vérité absolue, une approche cartésienne s’impose pour analyser un débat aussi titanesque que le projet lui-même. Devant la démesure, les idées s’affolent et le dérapage est presque assuré.

 

 

Le Plan Nord est une question de Saine Gestion, bien sûr, et nous n’en sommes qu’au stade de la planification. C’est la première étape, une fonction de gestion primordiale, et l’escamoter est un risque énorme : celui de perdre le contrôle du projet et de laisser partir notre richesse collective. Planifier est un des devoirs de la gouvernance.(1) 

Le projet est colossal, les sommes à investir sont abyssales, à l’image des trous qui seront creusés dans le sol québécois.

Développement durable versus exploitation minière !

Tout d’abord,  je trouve inadéquat de comparer la construction de barrages avec l’extraction de minerai. Les barrages des années 60 et 70 sont encore en fonction et nous alimentent encore en électricité, l’extraction du minerai laissera de grands trous et des routes inutiles.

Avant de transformer notre patrimoine en gruyère, il serait intéressant d’évaluer notre participation et notre retour sur l’investissement. C’est la gestion du risque, où l’analyse et l’opinion d’experts neutres devraient enrichir la prise de décision de la gouvernance. En matière de Saine Gestion, nous appelons ça le principe de précaution, simple, non ?(2)

Mais, il semble y avoir urgence d’agir. Le plan est fait, l’exercice de planification semble avoir été en partie escamoté et déjà la gouvernance veut passer à l’étape suivante : Mobiliser les ressources et mettre en place des infrastructures et des services pour attirer les clients. Les chinois sont à la porte. D’abord, ils sont acheteurs, ensuite il y a l’aubaine, il y a donc urgence pour eux de signer. Les leaders, vendeurs de tapis sont tellement pressés de vendre qu’ils le feront à n’importe quel prix. Voilà, mais c’est là que le bât blesse !

Notion de Prudence, principe de Recul et de Consultation

Ce sont trois règles de gouvernance qui assurent une contrepartie au risque. La gouvernance qui prend le temps et le soin d’évaluer des options non partisanes prend aussi une distance avec le conflit d’intérêts apparent ou réel. La prudence a pour objet la protection du patrimoine.(3)

C’est dans cette optique que nous analysons succinctement les propos des experts économistes, dont monsieur Parizeau fut sans l’ombre d’un doute, l’un des fers de lance cette semaine.   

Planifier avec transparence 

D’abord la transparence, celle qui concerne le payeur de taxes. Certes, le gouvernement aurait déjà investi plus de 1,7 million pour faire la promotion du Plan Nord, selon un article signé Alexandre Sheilds dans Le Devoir du 22 novembre 2011. Probablement raisonnable si ce n’était que l’information diffusée n’est de toute évidence pas en accord avec les ténors économistes. Il faut aussi savoir que « Minalliance », qui est un lobby qui regroupe plusieurs entreprises minières, a lancé récemment une campagne publicitaire télévisée. Reniflant l’aubaine, les regroupements de société minière ont donc entrepris, eux, une campagne de sensibilisation de l’opinion publique.

Creuser et extraire nos richesses, cela crée des emplois certes, à court terme, et quand il n’y en aura plus, on en fera quoi de notre gruyère pour payer les pensions ? Nos gouvernants ont le devoir de planifier avec transparence. 

Psggr 4.2.2 (1)         L’administrateur doit, en tout temps au cours de sa démarche de planification, s’assurer de présenter objectivement le déroulement du projet. Il ne doit en aucun moment biaiser ou omettre des informations qui pourraient induire le mandant en erreur ou qui, si elles étaient connues autrement, auraient pour effet d’altérer l’intérêt du commettant, des intervenants financiers ou des actionnaires, le cas échéant. (05-05-2002)

 Planifier avec continuité 

Le développement durable est un terme à la mode. Utilisé depuis quelques années ad nauseam par le gouvernement, ce concept n’est rien d’autre qu’une autre façon d’exprimer le principe de continuité. Il ne s’agit pas seulement de se vanter du développement durable ; planifier en tenant compte de la continuité requiert une vision du succès à long terme et non seulement sur la base de résultats comptables à court terme.

Psggr : 4.2.4 (1)       Lorsqu’il planifie, l’administrateur doit s’assurer que le projet ne met pas l’avenir de l’organisation à risque pour obtenir un résultat à court terme. Plus précisément, l’administrateur ne doit pas privilégier le succès à court terme aux dépens de la viabilité future. (28-04-1998; 05-05-2002)

Planifier avec efficience 

Planifier avec efficience signifie essentiellement tenir compte que toute ressource est limitée. Donc, de trouver un compromis entre l’efficacité et l’économie des moyens. Simple de gros bon sens ! Non ? Manifestement selon monsieur Parizeau, le gouvernement a planifié et annoncé des engagements financiers pour attirer des entreprises minières qui auraient, de toute façon, accepté de payer le développement d’infrastructure pour accéder au territoire.

Pour éviter que ses infrastructures ne soient utilisées qu’à des fins uniques ou privées, le gouvernement se propose de les construire lui-même: routes, port en eau profonde, etc. Logique dans un sens. Mais rien n’empêche le gouvernement de les louer ou en demander une redevance supplémentaire pour leur utilisation comme le ferait l’entreprise privée. De là l’idée des économistes, dont monsieur Parizeau, de créer des sociétés à propriété mixte où des redevances sur l’extraction minière seraient partagées avec les investisseurs, c’est-à-dire Nous.

Le problème selon monsieur Parizeau serait lié à la crainte que le Québec ne soit plus compétitif et concurrentiel. C’est sans doute le rôle et la mission des lobbyistes. Toujours selon monsieur Parizeau, la demande mondiale pour les ressources minérales demeure immense. « Nous sommes en position de force… si on le veut. Les entreprises sont déjà là. Elles ont pris des permis d’exploration. On n’a pas besoin de les attirer ».

Bien sûr, la nouvelle révision des redevances vient compenser un peu. Mais il faut rappeler que le Vérificateur général a démontré qu’entre 2002 et 2008, l’État a versé plus d’argent aux minières qu’il n’en a reçu. Le risque est que les nouveaux investissements finissent par nous ramener à la case Départ.

Psggr : 4.2.3 (1)       Tel que stipulé au paragraphe 2.4 (2), l’administrateur raisonnable et prudent est conscient que toute ressource est limitée. Ainsi, il doit démontrer dans son processus de planification, l’utilisation optimale des ressources. (05-05-2002) 

Planifier avec équilibre

Parizeau: « Le moment crucial dans toute cette histoire du développement minier, c’est lorsqu’on a décidé de revenir sur le principe qui veut qu’une mine qui s’installe dans le Nord doit tout payer. Quand on a renoncé à ce principe, on a ouvert la porte à n’importe quoi. On s’est retrouvés à faire du trapèze sans filet. Il n’y a pas de limite aux bonnes choses, mais aussi aux folies qu’on pourrait faire ». ? Bel exemple d’une négociation déséquilibrée. Poids et contrepoids pour qui ? Lorsque l’on a pourtant une position de force et une demande mondiale en augmentation, la discussion est d’un autre ordre ! Monsieur le Professeur Jacques Parizeau nous enseignait il n’y a pas si longtemps, que lorsque la demande excède l’offre, l’offrant est en position de force.

La proposition “d’assujettir toute aide publique à un mécanisme de réciprocité qui obligerait les entreprises à céder à Québec une participation équivalente de leur actionnariat” nous apparaît alors tout à fait conforme au principe d’équilibre.

Planifier avec abnégation

C’est le minimum de décence que nous demandons à nos gouvernants. L’apparence est sans doute trompeuse. La gouvernance doit démontrer son intégrité et ouvrir l’exercice de planification aux idées non partisanes même si elles écorchent un certain establishment.

Rien n’oblige la gouvernance d’écouter les lobbys. Eux, c’est clair qu’ils sont en conflit d’intérêts ! Ça aussi ce n’est qu’une question de bon GROS sens

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Référence aux PSGGR

 Note 1 : Psggr : 4.2 (3) En matière de saine gestion, la planification est un exercice d’anticipation d’événements futurs ou de situations prévisibles pouvant avoir une influence significative sur l’organisation. (NDA: ici le Québec) En ce sens, c’est également un processus qui favorise la détection d’opportunités grâce à un système de veille et de vigie. (28-04-1998; 05-05-2002)

Note 2 : Psggr : 4.2.1 (3)    Dans sa démarche professionnelle, l’administrateur doit agir avec précaution et anticiper différentes éventualités ou situations potentielles pouvant survenir dans l’environnement externe et interne de l’organisation. L’administrateur doit ainsi prendre des dispositions précises pour éviter ou limiter d’éventuelles conséquences négatives. (30-06-2005) 

Note 3 : Psggr : 4.4.5 (1) La prudence est la contrepartie au risque que prend l’administrateur dans son processus de prise de décision. La prudence a pour objet la protection du patrimoine. 

4.4.5 (2) Par le principe d’équilibre, l’administrateur doit à la fois être prudent et prendre un risque d’affaires. En fait, il doit être raisonnablement prudent et prendre un risque raisonnable dans le cours des affaires de l’entreprise.

4.4.6 (1) Le recul est cette faculté qui permet à l’administrateur de s’éloigner dans l’espace et dans le temps pour bien apprécier les événements. Par ce principe, l’administrateur augmente la rationalité de ses décisions, améliore sa perception globale et son acuité quant aux conséquences des actes qu’il doit poser. 

4.4.7 (1) Consulter est cette faculté qu’a un administrateur de prendre avis, quant aux fondements et conséquences d’une décision. Cette consultation permet de mieux gérer le risque inhérent à la prise de décision.

 


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